Fertilité et vie du sol

Les cycles de la fertilité

Cette article est la mise en forme de note issues d’une séance de la formation "Les cycles de la fertilité" animée par Konrad Schreiber dont la vidéo est disponible sur la play liste youtube du réseau maraîchage sol vivant.

Comprendre la durabilité ?

La durabilité n’est ni affaire de croissance ni de décroissance, elle dépend de l’entretien du cycle fondamental : produire – consommer – recycler. Le recyclage de tout ce qu’on a est la clé de voûte de la durabilité du cycle.

Aucune production bio-logique, c’est-à-dire qui suit la logique du vivant, n’est possible si ne sont pas assurés trois « services d’appui » au vivant :

- la production primaire de biomasse et la photosynthèse ;

- le cycle de nutriment ;

- la formation d’un sol fertile.

Sans ces services d’appui fondamentaux, rien n’est possible. La pollinisation est secondaire.

Les 3 fonctions fondamentales de l’écosystème

Suivre la logique du vivant

Pour obtenir ou ne pas entraver ces services d’appui, le sol doit toujours être couvert et ne jamais être travaillé. L’intervention humaine pour orienter la production doit être minimale, appropriée et suivre la logique du vivant.

Ce qui construit un sol fertile – qui tend le vers rendement maximal de l’arbre – ce sont les mal nommées « mauvaises herbes » qui sont en fait des plantes pionnières bio-indicatrices de l’état et des besoins du sol. Leur rôle est de structurer le sol. Les plantes adventices adviennent en réaction à une dégradation, ce sont des plantes réparatrices dont la fonction est de reconstruire les conditions de fertilités des sols où elles apparaissent.

Si je veux participer à cette reconstruction, en respectant la logique du vivant, il me faut favoriser au maximum la biodiversité, et pour cela, il me faut :

- mettre la « maison-sol » en bon état,

- veiller à ce que ses habitants aient toujours à manger

Dès lors, les macro et micro organismes du sol pourront « faire leur travail » tranquillement.

Autrement dit mon action est de copier l’écosystème pour recréer un système auto fertile et auto renouvelable, qui produit et recycle sa matière organique.

Fertiliser n’est pas rendre fertile

La fertilité d’un sol ce n’est pas les éléments N, P, K (azote, phosphore, potassium).

La fertilité d’un sol, c’est le cycle organobiologique de la matière fraîche carbonée,

L’apport d’éléments N,P,K est une fertilisation, opération qui ne produit par elle-même aucune fertilité

Équation de la fertilité du sol

Fertilité = ∑ nourriture + ∑ êtres vivants + ∑ habitat + ∑ H²O + Minéraux N, P, K, Ca, Mg

Plus l’activité biologique dispose de nourriture, plus elle stocke de l’eau et produit des éléments chimiques fertilisants.

Cela n’est possible que dans une "maison" en bon état.

Distinguer Fertilité et Fertilisation

La fertilisation a pour fonction de compenser les exportations réelles des récoltes afin d’augmenter les rendements de la biomasse

Plus on produit de biomasse, moins on a besoin de fertiliser

Tous les produits extérieurs apportés par l’agriculteur sont des fertilisants sauf les résidus végétaux frais qui améliorent la fertilité i.e. la nutrition de l’activité biologique.

Dans un compost vivant, tous les fertilisants sont acceptables : composts ; fumiers, lisier, amendements engrais minéraux et de synthèses.

La production de CO2 n’est pas un problème, c’est une solution

Le vivant capte le CO2, le séquestre par la photosynthèse, le remet dans l’air en consommant des plantes, produit des excréments qui vont être biodégradés par les vers de terre, taupins, limaces, carabes… qui vont restituer le CO2 sous une forme assimilable pour les plantes. L’humus agit comme une surface tampon qui stocke le CO2 de manière temporaire au profit des plantes qui vont le consommer.

Dans ce cycle, la production de CO2 n’est pas un problème, c’est une solution, pour autant que les trois pôles du cycle « produire - consommer - recycler » sont équilibrés.

Qu’est-ce que la fertilité organobiologique d’un sol ?

- de l’eau

- de l’air

- de la vie

- un cycle du carbone

- des nutriments NPK (azote, potassium, phosphore)

- une couverture permanente

La fertilité organobiologique d’un sol peut être résumée en une formule lapidaire : « Le sol est un super tube digestif : plus il est nourrit, plus il va produire »

Quand le carbone « devient » azote

Bois raméaux fragmentés (BRF) et couverts végétaux constituent un apport de fibres carbonées fraîches qui permettent la production d’azote disponible pour le végétal et créent la possibilité de faire pousser ce que vous voulez comme si vous aviez mis de l’ammonitrate :

Je mets de la matière carbonée – de la paille qui n’a pas d’azote – et j’obtiens de l’azote disponible pour le végétal.

Comment ça marche ?

En apportant du carbone sous forme de feuilles morte, BRF, paille…, le rapport C/N est de 100 [une unité d’azote pour cent de carbone]

Après décomposition / digestion de cette matière carbonée, la proportion d’azote et de carbone, ou le rapport C/N de l’humus est de 10 [une unité d’azote pour dix de carbone] ;

Le processus de « décomposition / absorption / digestion » de la matière carbonée aboutit au rejet du carbone par respiration. La digestion d’une diversité de fibres carbonées casse les molécules et récupère les sucres.

L’air est composé d’environ 80 % d’azote, 18 % d’oxygène, 0,4 % de CO2 et quelques gaz rares :

La fonction de l’oxygène est de brûler le carbone ; l’oxygène est le comburant de la combustion organique. Les végétaux contrôlent cette combustion par la production d’antioxydants (vitamines, phénols, polyphénols, oméga 3, oméga 6…)

L’azote lui est neutre, les bactéries récupèrent de l’azote et produisent de l’ammoniaque NH3, en échange de sucres lors de la digestion.

Le métabolisme de la digestion produit une fibre carbonée enrichie en azote. L’excrément est enrichi en azote par le processus digestif. Dans le corps, le sang opère la régulation du cycle.

La digestion du carbone par les êtres vivants est ce qui permet d’intégrer beaucoup d’azote dans le sol : le vivant mange du carbone et évacue de l’azote par ses excréments.

Les légumineuses et l’azote

L’azote est un facteur limitant de la productivité du végétal. Cette règle a une exception : les légumineuses sont les seules plantes qui sont affranchies de ce besoin général. La légumineuse est une usine de production de l’azote dont elle a besoin. Pour autant, il serait faux de croire que l’azote créé par la légumineuse est disponible pour les autres plantes. L’azote du sol ne provient jamais d’une nodosité de légumineuse. La légumineuse n’enrichit le sol en azote par elle-même que très marginalement. L’azote de la légumineuse n’est rendu disponible pour le sol que par la décomposition et la digestion de la légumineuse par les organisme du sol.

Selon la matière organique digérée, l’humus produit est plus ou moins riche en azote. Pour que l’azote contenu dans le sol puisse être rendu disponible pour les plantes il doit absolument être mangé et digéré.

Dans le cas de la forêt, il n’y a pas ou très peu de légumineuses. Comment fait le milieu pour passer d’un rapport C/N en forêt de 400, lorsque les feuilles mortes ou un arbre tombe, à un rapport C/N de 10 qui est la condition de stabilité permettant la croissance végétale ?

Il faut donc que les plantes qui ne peuvent se développer sans azote, trouve 40 unités d’azote pour se développer de manière optimale.

Ce sont les habitants du sol qui font tout le travail.

Couvrir le sol de matières carbonées

Si je veux rendre maraîchère une parcelle médiocre et dégradée, je vais épandre de la fibre riche en carbone : du BRF, des déchets verts, des pailles. Au début ; j’ai beaucoup d’adventices, mon taux de carbone est faible, l’activité biologique est quasi nulle : autrement dit, je commence par une faim d’azote.

Le temps que le processus du recyclage se mette en route il faut 4 à 5 années, mais je voudrais pouvoir réduire ce délais de moitié. Pour cela on va nourrir et alimenter le système en matières carbonées.

Si l’activité biologique est initialement faible, c’est parce que l’habitat de la faune du sol a été tassé, dévasté par les outils. Or, comme ce sont les habitants du sol qui sont essentiels et font tout le travail de restauration de la fertilité du sol, il me faut penser à eux en premier.

La macro et micro faune, et les champignons ont besoin d’air d’eau, de nourriture et d’un habitat en bon état. Or l’outil est l’instrument majeur de destruction de l’habitat de cette faune, avant la chimie et ses biocides. L’outil est le premier facteur de destruction des écosystèmes et l’intrant chimique est l’adjuvant rendu nécessaire par la destruction du milieu par l’outil.

Les deux piliers de la fertilité

Respecter l’habitat est la première mesure, plus je protège l’habitat, plus nombreux sont les habitants, plus la matière organique sera digérée et plus la fertilité sera forte. On aura dès lors une courbe exponentielle d’installation des êtres vivants et de fertilité.

Gîte et couvert pour les habitants sont les deux piliers de la fertilité. Pour le « couvert » 25 tonnes de paille est une bonne proportion.

Une salade, un engrais vert c’est de l’hémicellulose autrement dit une cellule simple avec peu de liaisons atomiques ; la cellulose c’est de l’hémicellulose condensée, c’est-à-dire une molécule plus complexe, dotée de plus de liaisons atomiques sur la chaîne carbonée ; la lignine est une grosse polymérisation de la molécule ; dans une volume équivalent de lignine et de salade, l’énergie concentrée dans la lignine est extraordinairement supérieur.

Rendre disponible une énergie métabolisable 

L’énergie apportée dans le système doit être pensée, non comme une énergie qui brûle mais comme une énergie métabolisable ; le monde biologique utilise une énergie moléculaire. Pour générer de la vie, il casse les liaisons atomiques d’azote ou de carbone et c’est ça le secret. C’est pour ça que la forêt est si performante grâce aux racines, aux feuilles et aux branches. On a beaucoup d’énergie et avec peu d’intrant on va beaucoup plus loin.

La lignine va être principalement dégradée par des champignons, plus j’ai de lignine plus je spécialise vers les champignons. L’humus stable est produit par les champignons c’est un processus qui produit lentement. Pour transformer ce champignon en humus, il faut qu’il soit mangé par des organismes associés : des collemboles, des bactéries qui mangent les ifs mycéliens.

Faim d’azote

Dans le processus de réhabilitation d’une terre, gîte des êtres vivants du sol, on nourrit et on se rend compte qu’on va avoir une faim d’azote. Le végétal que je vais mettre là dedans est alors incapable de pousser parce qu’il n’y a pas assez d’azote dans le sol. Car le sol se remplit d’abord de matière organique, il se charge de manière optimum avant de le redonner et cela prend trois à cinq ans.

Que dois-je faire dans cette phase de faim d’azote ?

Mettre une plante autonome dans son cycle d’azote qui n’a pas besoin d’apport azoté extérieur. Une légumineuse qui va opérer une symbiose en récupérant l’azote de l’air. La condition de survie de la légumineuse est qu’elle puisse respirer. La structure de la « maison », la décompaction, la mise aérobie du sol et sa porosité organobiologique sont les éléments clés.

Démarrer tout de suite est possible si on ne cultive que des légumineuses. Une fois la vie revenue, le facteur limitant est la nourriture. Le rendement de la forêt est rendu possible par la régularité cyclique du retour d’éléments polycondensés en énergie carbonée et par la stabilité de la faune qui digère ces éléments de manière continue.

Abriter le sol du soleil

Dans un milieu artificiel mais reproduisant la « bio-logique », l’autre facteur clé est l’absence de coup de chaleur. Il faut que le milieu soit en permanence climatisé et à l’abri du soleil. Le soleil est ce qu’il y de pire pour les microorganismes ; le rayonnement solaire les stérilisent et les tue par brûlure. Si le sol voit la lumière, on perturbe la vie du sol en tuant les microorganismes qui mangent la fibre de carbone.

Le métabolisme des êtres vivants est capable de bio climatiser le sol pour peu que l’on favorise son isolation par un couvert végétal capable d’amortir les écarts de température. L’optimum de vie biologique s’opère à 25 degré Celsius. Le couvert, le paillage isole tout en étant biodégradable et en apportant de la nourriture à la faune du sol et en apportant de l’azote dans la phase de digestion et de production d’excréments enrichis en azote.

Mis en ligne par La vie re-belle
 22/06/2020
 https://lavierebelle.org/fertilite-et-vie-du-sol-bilan-carbone-et-rapport-carbone-azote

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