Isogo (Solanum nigrum) Solanacée trop négligée ?

Isogo dans notre jardin de cuisine à Nyamata (Rwanda) Photo (Jean-Luc Galabert)

Comme son nom botanique l’indique, Solanum nigrum appartient à la grande et diverse famille des solanacées. Cette famille regroupe près de 98 genres et plus de 2.700 espèces de plantes, principalement natives du sud et du centre de l’Amérique.
On y trouve bon nombre de fruits et légumes comme les tomates, les aubergines, les pommes de terre, les poivrons et les piments, les physalis, les airelles… ; des plantes industrielles comme le tabac et bon nombre de plantes ornementales comme le jasmin, le pétunia...
Les Solanacées incluent aussi des plantes officinales voire hallucinogènes, comme la belladone, la jusquiame, la stramoine ou la mandragore. Ces plantes contiennent des alcaloïdes aux effets psychotropes.
Plusieurs espèces comme la morelle dont nous allons décrire ici les usages, la pomme de terre, les tomates ou les aubergines contiennent également de petites quantités de solanine, un alcaloïde pouvant être toxique si l’on en consomme en excès.
Si les Solanacées sont de types très variés, elles se reconnaissent facilement grâce à leurs fleurs à cinq pétales soudés format une corolle en étoile, et cinq étamines attachées près de la base de la corolle.

Origine et répartition géographique

Solanum nigrum est présente sur une grande partie du continent africain, depuis le niveau de la mer jusqu’à 3000 m d’altitude. On la rencontre en Afrique du (Nord, Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Libye) ; en Afrique de l’ouest et Centrale (Côte d’Ivoire, Nigeria, Sierra Leone, Guinée Conakry, Congo Brazzaville, RDC, Bukina Faso, Togo, Bénin, Cameroun) ; en Afrique de l’Est (Soudan, Éthiopie, Somalie, Rwanda, Burundi, Ouganda, Tanzanie, Kenya ; en Afrique septentrionale (Angola, Zimbabwe, Afrique du sud, ainsi que dans les îles de l’Océan Indien (Madagascar, Réunion, Rodrigues, Comores).

En Europe, où la morelle noire est souvent également commune, cette plante est considérée comme une « mauvaise herbe » parce qu’elle est une adventice des cultures maraîchères et horticoles.

On la retrouve également dans les sous-continent indien et en Asie

La base de données Prota signale que la plante a été introduit en Amérique du Nord, en Nouvelle-Zélande et en Australie, mais resterait à ce jour absente du continent sud-américain, d’Amérique centrale, et des îles de l’océan Pacifique. Pourtant d’autres sources notifient sa présence et son usage y compris dans ces parties de la planète. Il semble donc que cette adventice cosmopolite se soit naturalisée à ce jour sur tous les continents.

Nom botanique et noms vernaculaires

Le nom du genre Solanum viendrait du latin sol, soleil ou bien du verbe solari : « consoler » ce qui pourrait être un allusion aux propriétés narcotiques de nombreuses espèces du genre solanum. Quant au nom de l’espèce, « nigrum » : « noir », il fait référence à la couleur du fruit de la plante.

En Afrique on trouve, entre autres, les noms vernaculaires suivants :

- Kinyarwanda : Isogo, Umusongo
- Kirundi : Igisogo-manywa » ou Urusogo-rwirabura
- Swahili : Suga, Mnavu

- Langues du Kenya : Managu (Kikuyu), Ndulu, Kitulu (Kamba), Osuga (Luo ) ; lmoato (Dorobo) ; Mmunavu (Giriama), Osuga (Luo) ; Amanagu (Kisii) ; Namasaka (Luhya) ; Sochot (Keiyo) ; Ormomoi (Massaï) ; Ndunda (Taita) ; Isoiyot (Kipsigis)

- Langue d’Ouganda : Nsuga, Nsuga nzirigavu (Luganda) ; Ocuga (Acholi), Esisogho (Lukhonzo)

- Langue de Tanzanie : Ormomoi (Massaï)

- Langues du Kivu : Mmulunda (shi) ; Shwiga (Kikuku) ; Isogo (Kinyarwanda), Kibishe (Lega), Mboga buchungu (Swahili), omukalikali (Nande)

Solanum nigrum a beaucoup de noms vernaculaires en français :

- certains sont liés à sa réputation sulfureuse d’être utilisée en sorcellerie : « Tomate du diable », « Herbe aux magiciens » ;
- d’autres renvoient à sa réputation toxique « Crève-Chien », « Tue chien », « Raisin de loup » ;
- le nom « Herbe à gale » est une référence à ses propriétés médicinales ; celui de « Myrtille de jardin » fait allusion à la similarité de ses baies avec celles de la Myrtille.
- Dans les îles francophones on l’appelle , « brède martin », « brède morelle », « brède noir », autant de nom qui renvoient surtout à ses usages culinaires.
Elle est aussi joliment appelée « Amourette ». On la connaît enfin également comme « Morelle noire », « Herbe maure », « Morette », « Mourelle », « herbe à calalou ».

En anglais, on l’appelle Common, nightshade, Black nightshade, Garden nightshade

Autres noms vernaculaires

- Sanskrit : Kakamachi
- Espagnol : hierba mora, Mairu-belarra.
- Portugais ; Schwarzer
- Allemand : Nachtschatten
- Néerlandais : Zwarte nachtschade

Description

Solanum nigrum est une herbacée annuelle, à tige retombante ou érigée, pouvant atteindre 70 cm de haut.

Sa racine est fasciculée, mince, blanche, courte.

Ses tiges sont ramifiées, verdâtres souvent teintées de violet foncé, pubescence variable selon les sous-espèces.

Ses feuilles sont disposées en spirales, simples ; stipules absentes ; pétiole de 0,5–6,5 cm de long, légèrement ailé vers l’apex ; limbe ovale à lancéolé-rhombique, de 2,5–10 cm × 2–7 cm, base cunéiforme, apex obtus, bord entier à ondulé-denté.

Inflorescence : cyme racémiforme, extra-axillaire, à 3–12 fleurs ; pédoncule de 1–3 cm de long.

Les fleurs sont bisexuées, régulières, 5-mères ; pédicelle recourbé chez le fruit ; calice campanulé, atteignant 2,5 mm de long à lobes ovales, défléchis ou adhérant à la base du fruit mûr ; corolle étoilée, de 0,5–1 cm de diamètre, blanche avec étoile basale jaune-vert, lobes de 1,5–4 mm de long ; étamines insérées sur la gorge de la corolle, filets atteignant 1,5 mm de long, anthères atteignant 2,5 mm de long ; ovaire supère, globuleux à ellipsoïde, d’environ 1 mm de diamètre.

Les fruits sont des baies ovoïdes de 6 à 10 mm de diamètre, à l’aspect de minuscules tomates. D’abord vertes, les baies deviennent violacé à noirâtre à maturité. Elles contiennent de nombreuses graines. Il n’est pas rare de voir sur la même plante, les fleurs et les fruits à différents stades de maturité.

La baie ou ou la capsule contient de très nombreuses graines rondes et plate qui mesurent environ 2 mm de long. Elles sont de couleur blanc crème, finement ponctuées.

Isogo dans notre jardin de cuisine Photo (Jean-Luc Galabert)

Au Rwanda ou ses feuilles sont consommées comme légumes et ses baies mûres sont appréciées, Isogo est commune dans les jachères, les cultures, les bord des routes et tous les endroits perturbés par l’activité humaine. La plante s’épanouit en plein soleil ou en situation mi-ombragée. Sa dissémination se fait essentiellement par les oiseaux frugivores qui consomment ses baies et rejettent ses graines dans leurs fientes.
Un Proverbe rwandais qui énonce : « Bazirunge (imboga) zaange zibe isogo ». « Qu’on les assaisonne, ils resteront toujours Morelle » est utilisé pour évoquer les êtres ou des choses qui ne changent ni ne s’améliorent quoi qu’on fasse.

Usages

Usage culinaire

La plante est utilisée comme légume feuilles dans de nombreux pays d’Afrique. Les feuilles et les jeunes pousses sont récoltées dans la nature et consommées cuites à l’eau comme d’autres brèdes.

Les appréciations sur la valeur culinaire de Solanum nigrum sont contrastées :

Dans mon entourage proche au Rwanda, les feuilles et tiges sont appréciées pour leur goût qui rappelle celui du légume populaire « Isogi » (Gynandropsis), et la plante est récoltée la où elle pousse spontanément. À la maison nous la consommons en mélange avec d’autres légumes feuilles du jardin comme Isogi et Indodo (l’amarante) et la saveur douce de cette combinaison est tout à fait agréable à nos palais.

Dans ce recoin du jardin poussent des légumes feuilles que nous accommodons ensemble : Isogo s’épanouit spontanément au pied du mur de brique ; Isogi la plante érigée à fleurs blanche pousse au milieu d’amarante indodo ; en bas on aperçoit les feuilles de manioc qui servent à préparer l’isombe un plat très apprécié au Rwanda. Au fond s’épanouit un massif de Chia, plante exotique pour le pays mais qui s’acclimate très bien dans notre jardin.

Au Nigeria et au Cameroun, les feuilles de Solanum nigrum sont parfois préférées à d’autres légumes. Après avoir enlevé les inflorescences et les baies les feuilles sont bouillies dans plusieurs eaux. Dans le sud-ouest du Nigeria où on apprécie l’amertume des fleurs, celles-ci sont parfois conservées et utilisées comme condiment pour relever le goût de soupes.

Au Kenya, la morelle noir est cultivée et vendue sur des marchés locaux.

Ailleurs, comme en Éthiopie, il semble qu’on considère que les feuilles ont un goût trop amer, si bien qu’elles ne sont consommées que lorsque les légumes plus appréciés font défaut, et l’eau de cuisson est renouvelée plusieurs fois pour atténuer l’amertume de la plante.

La morelle peut être vendue en feuilles fraîches ou en boule de feuilles

Hors d’Afrique, l’usage des feuilles comme légume est signalé en Australie, en Crête et en Grèce. Pour les Grecs, les feuilles de morelle noire sont l’un des ingrédients possibles de l’Horta (Χόρτα), une salades de légumes cuits assaisonnée d’huile d’olive, et de citron et servies tièdes ou froides avec de la feta.

Horta

Ingrédients

Pour les légumes verts sauvages :

- Outre la Morelle noire, on peut utiliser des feuilles de pissenlit, d’amarante, de bette à carde, d’oseille...
- 1 oignon rouge, finement haché
- 1 poireau, coupé en lamelles
- 1/2 bouquet d’aneth frais, finement haché
- 1 cuillère à soupe de sel marin
- 4 cuillères à soupe d’huile d’olive extra vierge

Pour la sauce à la feta :

- 80ml de lait (1/4 de tasse)
- 80ml de crème de lait (1/4 de tasse)
- 300g de feta (10,5 onces)
- 1/2 cuillère à soupe de thym
- sel et poivre au goût
- 1/2 cuillère à café de paprika doux

Préparation

- Lavez soigneusement les légumes à feuilles sauvages et égouttez-les.
- Dans une grande casserole, versez l’huile d’olive, ajoutez les oignons et les poireaux et faites-les sauter pendant 3-4 minutes, jusqu’à ce qu’ils soient fanés.
- Ajoutez les feuilles de légumes sauvages et mélangez-les avec une cuillère en bois. - Dès qu’ils sont flétris, baissez le feu et ajoutez 1/2 tasse d’eau.
- Avec le couvercle, laissez mijoter pendant 35 minutes, jusqu’à ce que les wild greens soient bouillies.
- Pendant ce temps, préparez la sauce à la feta. Dans un mixeur, ajoutez la feta (écrasée).
- Dans une petite casserole, faites chauffer le lait et la crème de lait à feu doux. Juste avant l’ébullition, retirez-les du feu et laissez-les refroidir pendant 1 minute.
- Versez le lait dans le mixeur, avec les herbes et les épices et mixez, jusqu’à ce que la sauce devienne lisse.
- Servez la horta à température ambiante et arrosez-la d’un peu d’huile d’olive extra vierge et de jus de citron. Garnissez-la de la sauce à la feta et de quelques tomates râpées, si vous le souhaitez.

L’usage culinaire de Solanum nigrum est ancien : Pendant l’antiquité méditerranéenne, les feuilles étaient déjà consommées comme légumes cuit ou cru et les fruits comme friandises. (Théophraste, Historia plantarum VII, 7, 2)

En dépit, de la consommation commune des feuilles et fruits de la plante, la littérature consacrée à solanum nigrum, notifie régulièrement que toutes les parties de la plante sont toxiques. Nous n’avons jamais constaté d’effet néfaste sur nous-même après avoir consommé les feuille d’isogo cuite. La potentielle toxicité des feuilles, dépendrait de la plus ou moins grande consommation de parties vertes, et notre consommation de feuilles n’est pas quotidienne.

La médecine ayurvédique prescrit de n’utiliser le légume ou le fruit que frais : « Kakamachi [nom sanskrit de Solanuma nigrum] lorsqu’il est utilisé frais est un régénérant, mais utilisé après quelques jours, c’est un poison. »
 Astanga Samgraha de Vaghbata, (ch. 7, 243)

Autrement dit, pour l’Ayurvéda les feuilles ou les baies, doivent impérativement être consommée fraîches, et ne peuvent être gardée pour manger plus tard.

La toxicité potentielle des feuilles pourrait expliquer l’apprêt particulier réservé à ce légume feuille. Dans l’ouest du Kenya, où les feuilles de Solanum nigrum sont utilisées comme substitut à la viande. Elles sont cuites dans du lait. On presse le produit de cette cuisson et on le laisse sécher quelques jours jusqu’à ce qu’il devienne solide et prenne une couleur noirâtre. On en coupe des tranches réputées riches en protéines que l’on sert avec du manioc accompagné de légumes frais. Il est possible que ce mode de cuisson dans du lait que l’on expulse ensuite ait pour fonction de faire disparaître les principes toxiques.

Au Malawi on ajoute de la potasse obtenue en filtrant les cendres de tiges et de feuilles d’amarantes ou de haricots, de la pâte d’arachide et du sel à l’eau dans laquelle on fait bouillir les feuilles de Morelle noire. Ce procédé rappelle la « nixtamalisation » traditionnellement pratiquée en Amérique centrale pour cuire le maïs. Cette manière de préparer la farine de maïs avec un peu de cendre à entre autre effet de contrôler l’activité bactérienne et d’améliorer la valeur nutritionnelle de la farine par une augmentation de la disponibilité en niacine (vitamine B3) et de différents acides aminés de la farine de maïs .

Valeur nutritionnelle

La valeur nutritive de la plante dépend de nombreux facteurs, dont l’âge de la plante, l’espèce cultivée, le fait qu’elle ait été cultivée pendant la saison des pluies ou la saison sèche, la fertilité du sol, etc. Les feuilles récoltées pendant le stade végétatif ont un rendement en protéines et en minéraux plus élevé que celles récoltées à partir de la floraison. Cependant, la teneur en cellulose est faible au stade végétatif.

Concernant la valeur nutritionnelle de la plante, il faut tenir compte du fait qu’environ 60 % des vitamines et de nombreux autres micro-nutriments peuvent être perdus lors du processus de cuisson, surtout lorsque l’eau de cuisson est remplacée plusieurs fois pour éliminer l’amertume de la plante. C’est l’une des raisons pour lesquelles les variétés les moins amères sont plus intéressantes du point de vue nutritionnel, car même l’eau de cuisson peut être utilisée dans les soupes et les sauces. Plus le processus de cuisson est court, moins il y a de perte de nutriments, la méthode ougandaise de cuisson à la vapeur est aussi intéressante.

Les fruits, dont la saveur est proche du fruit « Imihuhu » (Coqueret du Pérou) sont également prisés.

Sanga : Recette camerounaise à base de « Zom », nom de la variété locale de la Morelle (Solanum scabrum)

Ingrédients :

- 3 paquets de Zom, 500g de noix de palme, 2kg de mais frais en épis, sucre, piment.

Préparation :
◊ Détacher les feuilles de Zom de leurs tiges, les découper finement, puis les laver abondamment. Après le lavage, les mettre à cuire dans une casserole couverte et laisser cuire à la vapeur jusqu’à réduction complète de l’eau contenue dans les feuilles.
◊ Laver et égrener le maïs. Verser les grains dans la casserole contenant le Zom ajouter un peu d’eau, le piment et porter à ébullition à feu vif pendant 30 minutes jusqu’à évaporation complète de l’eau.
◊ Faire bouillir les noix, les piler afin d’obtenir leur pulpe. En extraire le jus en mettant la pulpe dans un récipient avec une quantité moyenne d’eau tiède, la pétrir et passer. Ajoutez le jus ainsi obtenu à la préparation et remuer énergiquement la composition à l’aide d’une spatule afin d’obtenir un mélange homogène.
◊ Faire cuire le mélange 20 à 30 minutes en remuant tout le temps pour éviter que le mélange n’adhère à la casserole. Lorsque le mélange devient épais, retirer la casserole du feu et servir.

Usage médicinal

Les données historique montre que l’usage médicinal de solanum nigrum remonte à plus de 2000 ans.

Pendant l’antiquité méditerranéenne, Dioscorides et Théophraste dans son Historia plantarum ont consigné et répertorié les propriétés de la plante.

En Afrique Solanum nigrum fait partie de la pharmacopée traditionnelle d’au moins trente pays. Toutes parties de la plante sont utilisées pour traiter plus de 140 types de symptômes (voir tableaux des indications et préparation ci-dessous)

La plante est notamment utilisées pour ses propriétés émollientes et analgésiques pour traiter les démangeaisons, les brûlures et les douleurs névralgiques. On l’utilise aussi pour ses vertus expectorantes et laxatives.

Les feuilles sont créditées de propriétés sédatives et cicatrisantes et on les applique sur les coupures, les ulcères, les plaies, les inflammations et les maladies de peau.
Le fruit est considéré comme ayant des propriété hypoglycémiantes utiles contre le diabète. On prête également à la plante des propriétés diurétiques.

L’extrait de feuilles et de tige est utilisé pour traiter les maladies cardiaques, les hémorroïdes, des maladies sexuellement transmissibles comme la syphilis et la gonorrhée. L’extrait de feuilles et de tige est aussi utilisé pour la fièvre, les affections oculaires et des maladies hépatiques comme l’hypertrophie chronique du foie et des pathologies de la rate.

Les racines sont consommées pour traiter les maux d’estomac.

Les baies immatures sont appliquées sur les gencives des enfants pour calmer la douleur lors de leur poussée dentaire. On les applique aussi pour soulager les douleurs dentaires.

Le jus extrait des feuilles et mélangé ou non à du vinaigre est utilisé en bain de bouche et gargarisme.

Dans la pharmacopée européenne, de la même façon qu’en Afrique, la plante, elle est employée en usage externe contre les affections cutanées.

En usage interne, la Morelle noire est réputée sédative, analgésique et antispasmodique.

Son utilisation contre les douleurs d’estomac est une des indications majeures de la plante en usage interne dans la phytothérapie française comme dans le reste du monde. Par contre les parties utilisées et les préparations diffèrent selon les régions. Par exemple en Tanzanie, on mange les racines crues, tandis que dans d’autres régions de l’Est africain, ce sont les baies qui sont mâchées et avalées. Le Dr Valnet propose d’utiliser le suc frais à raison de 30 grammes par jour.

Les propriétés sédatives et narcotiques sont aussi connues depuis très longtemps partout dans le monde où pousse la Morelle noire.

Les feuilles fraîches de morelle noire avec celle de la belladone, de la jusquiame, de la nicotine, et du pavot entraient dans la composition du « Baume tranquille », potion inventée par un moine cordelier au XVIIe siècle, François Aignan qui avait comme nom monastique « Père Tranquille » On trouve la formule du Baume dans l’ouvrage de François Laurent Marie Dorvault paru en 1867, une somme de 1499 pages.

Le Dr Valnet indique que le suc de Morelle noire était un ingrédient d’un mélange utilisé au XIIIe siècle comme anesthésique général pour les opérés (o.c., p. 372)
En Bohème, on mettait dans les berceaux des bébés des feuilles de Morelle noire pour qu’ils s’endorment plus facilement.

Pour calmer la toux dans la coqueluche, on peut l’utiliser en alcoolature selon la posologie de 10 gouttes par année d’âge et par jour (Valnet, 1983)

Activités biologiques et propriétés de Solanum nigrum

Revue des recherches récentes

Les propriétés antiseptiques de la plante sont démontrés et reconnus
L’extrait alcoolique de feuilles est avéré actif contre Staphylococcus aureus (staphylocoque doré) et le bacille Escherichia coli. (Edmonds et Chweya, o. c., p. 60)
La poudre de parties aériennes de Solanum nigrum et leur extrait méthanolique a réduit de façon significative la formation d’ulcères gastriques chez les rats.
L’extrait alcoolisé de fruit a montré une importante inhibition de l’œdème induit par la carraghénine.
L’action anti-cancéreuse de Solanum nigrum a été mise en évidence sur les souris (Cf. Siajo et col, 1982 ; Boik, J. 1996, Amalfi, C. 2006, Ramya Jain et col., 2011) Cette action anticancéreuse et anti-tumorale serait due à la solasonine et à la solamargine.
L’action anticancéreuse chez l’humain semble confirmée pour certains cancers.
Des pommades à base de solasonine sont proposées comme traitement des cancers de la peau. Un composé des deux principes extraits d’une autre solanacée Solanum linnaeanum Hepper & P.-M.L. Jaeger, 1986 ou Pomme de Sodome est mis au point par une société pharmaceutique australienne.
Parmi les autres activités pharmacologiques constatées, on peut citer des activités antispasmodique, hypotensive, hypocholestérolémique et anti-VIH-1, ainsi que des activités insecticide et molluscicide.

Toxicité :
Lorsque les feuilles de Solanum nigrum sont consommées régulièrement (plusieurs fois par semaine), on dit qu’elles entraînent des maux d’estomac en raison de la présence de glyco-alcaloïdes toxiques tels que la solanine (avec l’aglycone solasodine). La teneur totale en alcaloïdes des feuilles séchées à l’air est de 0,1%.
L’empoisonnement à la solanine peut provoquer des vomissements, des étourdissements, un état de confusion mentale, une aphasie et parfois une cécité.
Solanum nigrum contient en outre des sapogénines, la diosgénine et la tigogénine. Les baies immatures contiennent 0,7% de solasodine, 0,2% de diosgénine et 0,15% de tigogénine ; les feuilles contiennent 1,3% de tigogénine.
Parmi les principes actifs responsables des propriétés toxiques/médicinales, on trouve aussi la diosgénine. et la tigogénine. Ces deux substances servent de matière première à l’obtention par l’industrie pharmaceutique des stéroïdes hormonaux utilisés pour fabriquer des pilules anticonceptionnelles et des hormones bio-identiques permettant de contrer certains effets de la ménopause chez la femme et peut-être du vieillissement en général. La disogénine en particulier est un précurseur naturel de la progestérone qui est transformée en cette dernière en laboratoire. La diosgénine est extraite de la patate douce sauvage, l’Igname (Dioscorea sp.) Il serait possible de l’extraire des baies vertes de Solanum nigrum qui en contiennent des pourcentages élevés permettant d’espérer des procédés d’extraction rentables. La Morelle noire viendrait alors concurrencer l’Igname.

Usages médicinaux

Préparations traditionnelles à usage externes

Le traitement des affections cutanées d’origine traumatiques (Blessures, coupures, brûlures) ou d’origines bactériennes, virales repose sur les propriétés émollientes, antiseptiques et analgésiques de la plante.

Brûlure

• La décoction de la plante fraîche ou sèche dans de l’eau pendant 10 minutes peut une fois refroidie être utilisée pour laver des brûlures

• la plante entière pilée peut être appliquée en cataplasme émollient sur les brûlures.

• Fruit frais, broyé en poudre dans de l’huile donne un liniment à appliquer localement sur les zones douloureuse.

• Les baies fraîches infusées et écrasées donne une pulpe qui permet de confectionner une lotion ou un cataplasme applicable sur les brûlures douloureuses.

Ces préparations sont utilisées traditionnellement en Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte)

Blessure et plaie

• On lave les blessures avec l’infusion de feuilles en Afrique du Sud.

• Le jus de feuilles pilées, le macérat de feuille, l’infusion ou la décoction dans de l’eau sont appliqués sur les blessures au Kenya.

• À Madagascar des cataplasmes de feuilles sont appliquées sur les blessures.

• Au Togo et Maroc c’est la pulpe des baies mûres de Solanum nigrum qui est appliquée en cataplasme. Les Marocains des régions de Rabat, Casablanca, Fez et Meknès utilisent également les baies infusées en lotion.

Solanum nigrum est parfois associées à d’autres plantes pour soigner les blessures

• En Tanzanie les feuilles cuites de Bidens pilosa (« Inyababarasanya » en kinyarwanda, « Herbe aiguille » en français et de Solanum nigrum sont utilisées en bandage.

• Au Niger on pile les parties aériennes de Solanum nigrum avec le fruit mûr de Xylopia aethiopica et on utiliser la pâte obtenue en application locale ()

Blessures à la bouche

• Dans la région du Lesotho d’Afrique du Sud, l’infusion ou la décoction de toute la plante, est utilisée en gargarisme pour soigner les blessures buccales. En Afrique du Nord, on utilise le jus extrait des feuilles et mélangé ou non à du vinaigre est utilisé en bain de bouche en gargarisme.

Abcès

• Au Burundi, on frictionne les abcès avec le fruit mûr carbonisé.

• On applique sur les abcès la pulpe de fruit mûr (au Togo) ou la pâte de feuilles (en RDC).

Ulcères et furoncles

• Kenya et en Ouganda on applique la macération fermentée de feuilles pilées dans de l’eau pour traiter les ulcères et furoncles

Prurit

• À Madagascar notamment, mais aussi dans la pharmacopée française Solanum nigrum est réputé très efficace contre le prurit vulvaire, anal ou hémorroïdal. Mais nous n’avons pas encore trouvé la préparation indiquée pour le traitement de ces symptômes.

Hémorroïdes douloureuses

• Au Maroc on préconise l’application de la plante fraîche, écrasée en cataplasme pour traiter les hémorroïdes douloureuses. FJ Cazin recommande l’application de la décoction ou le suc tiède de la plante sur les hémorroïdes douloureuses.

Dermatoses, maladies de la peau, eczéma, dermatomycoses, panaris, démangeaisons

• En Afrique du Nord (Algérie, Égypte, Libye, Maroc, Tunisie) on préconise d’appliquer un cataplasme émollient de la plante entière sur la zone affectée. Pour les dermatoses et démangeaisons douloureuses, la pulpe des baies ou les baies infusées écrasées sont appliquées en lotion ou cataplasme au Maroc.

Éruptions cutanées et dermatose du cuir chevelu

• On pratique la friction de fruit mûr en République Centrafricaine et au Nigeria

Eczéma

• Un onguent à base de tiges feuillée fraîche broyé et réduite en poudre dans huile est appliquée sur la zone affectée dans le Sud-est du Maroc.

Teignes

• Les feuilles pilées sont utilisées en application locale en Tanzanie.

Verrues

• En Tanzanie, les feuilles pilées et cuites sont appliquées sur les verrues.

Inflammation vaginale, vaginite

• Le Docteur et phytothérapeute Valnet recommande la décoction de la plante utilisée en injection vaginale en cas d’inflammation du vagin. En Afrique du Nord, on utilise l’infusion diluées de baies comme mydriatique et lotion vaginale.

Dracunculose

En Côte d’Ivoire, on applique sur la zone affectée, des feuilles ramollies à la chaleur du feu le jus extrait de feuilles triturées après avoir été ramollies à la chaleur du feu

Maux oreilles, oreillons, parotidites, otite, otalgie, otorrhée associée à des Algie, douleurs. Propriétés antalgique, analgésique, anesthésiant

• Les feuilles pilées sont utilisée en application locale au Kenya.

• Des gouttes d’infusion diluées de baies sont instillées dans les oreilles douloureuses en Algérie, Égypte, Libye, Maroc, Tunisie. On instille également des gouttes d’infusion de baies dans de l’eau de rose au Maroc.

Maux de gencives et maladies de bouche : stomatite, glossite , aphtes, candidose buccale

• Feuilles de Solanum nigrum, piler, jus, délayer, application locale. (Madagascar)

Maux de gencives du nouveau-né

• Jus de feuilles de Solanum nigrum, pilées, délayé en application locale avec du miel. (Madagascar)

Maux de dents, gingivite, odontalgie, caries, abcès dentaires de l’enfant

• Au Kenya et en Ouganda on procède au massage des gencives douloureuses avec une infusion de feuilles et de graines, ou on applique des feuilles pilées sur les zones douloureuse.

Rhumatisme articulaire aigu (rubagimpande, imijaganyuro) arthrite, articulations douloureuses

• Pour apaiser les douleurs aiguës liées rhumatismes articulaire FJ Cazin recommande de broyer la plante, et d’appliquer la pâte obtenu tiède sur la partie malade. (« Ce calmant, note l’auteur, qu’il est toujours si facile de se procurer lorsque la plante est en pleine vigueur, m’a réussi »). On peut également baigner les zones douloureuse dans l’infusion ou la décoction de toute la plante en bain

Angine, maux de gorge, maux arrière-gorge

On recommande de procéder à des gargarismes du décocté de racines (au Kenya) ou de l’infusion de toute la plante (au Lesotho)

Sous des modalités diverses, l’usage externe des feuilles, fruits, graines et racines de la plante, pour soigner les blessures, brûlures, affections de la peau et des muqueuses est universel. L’utilité de l’application externe en cataplasme compresse et bain antalgique et anti-inflammatoire pour soulager les douleurs articulaires et névralgies est aussi reconnue par plusieurs traditions. Ces indications sont également étayées par des études scientifiques récentes.

À titre personnel nous pensons, dans la lignée des traditions locales notamment africaines, qu’il est possible d’utiliser des préparations de la plante à usage interne. Mais, considérant que le débat sur l’innocuité ou la toxicité potentielle de l’utilisation de Solanum nigrum en interne n’est pas entièrement tranché, nous partagerons ici l’information sur les possibilités des usages en externe de la plante qui ont fait la preuve à la fois de leur intérêt thérapeutique et de leur innocuité.

La plupart des préparations suggèrent l’utilisation de la plante fraîche. Mais diverses études indiquent que les feuilles ne perdent pas leur propriétés à la dessiccation (Everist 1974, cité par Edmonds et Chweya, o. c., p. 66). F.-J. Cazin considère même dans son Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, que l’énergie de la plante augmente même après la dessiccation, lorsqu’elle a été séchée à l’étuve.

La récolte de la plante doit se faire lorsque ses fruits sont mûrs ; la plante jouit alors de toute son énergie.

Concernant l’usage de la plante fraîche F-J Cazin note que « la morelle est émolliente lorsqu’elle est jeune et pendant la floraison, narcotique lors de la maturité des baies. La plante avec ses baies est utile, a l’extérieur comme sédative dans les névralgies, le cancer, certaines leucorrhées, la métrite chronique, quelques inflammations et éruptions cutanées douloureuses.

Il propose les préparations pharmaceutiques et doses suivantes :
• Poudre ou extrait, 5 à 20 cg
• Décoction de 30 à 60 gr. par litre d’eau, pour lotions, injections, bains.
• Pulpe des feuilles, en cataplasme.
• Extrait, 4 à 8 gr. par 30 gr. d’axonge, en pommade.
• Huile (1 de feuilles sur 2 d’huile d’olive), 30 à 60 gr. pour liniment.

Le Docteur Valnet préconise la préparation d’une décoction obtenue à partir d’une poignée de feuilles pour un litre d’eau que l’on laisse bouillir 10 minutes sans préciser s’il s’agit de feuilles fraîches ou séchées, pour le traitement des prurits, parakérastoses, eczémas suintants, prurit anal et vulvaire, gerçures des seins, les hémorroïdes, les ulcères douloureux, les abcès et les dartres, panaris, furoncles, contusions. selon les symptômes, cette décoction sera, comme traitement externe, utilisée en lavages, bains, compresses, injections vaginales.

Culture

La plante poussera mieux dans un sol bien drainé et en position plein soleil. Un engrais à libération lente contenant une forte teneur en potassium ajouté au printemps stimulera la floraison pendant les mois d’été. Lors de la taille, n’enlevez que le vieux bois et le bois mort de la plante. La taille doit être effectuée très légèrement car cette plante ne se rétablit pas bien lorsqu’elle est coupée sévèrement. La clématite et le jasmin sont de bonnes plantes compagnes pour cette plante.

Solanum sp. peut être facilement propagé en prenant des boutures semi-mûres de l’été au début de l’automne. Faites des boutures à talon (les boutures à talon sont faites en arrachant une tige avec un morceau de la tige attaché) d’environ 10 cm de long. Placez les boutures directement dans de petits pots remplis de 70% de sable de rivière et de 30% de compost général. Placez les pots dans un endroit chaud et abrité, mais évitez la lumière directe du soleil et gardez le milieu de croissance humide. Les boutures auront besoin d’environ 4 semaines pour développer des racines. Vous pouvez également propager la plante par marcottage. Le marcottage est une méthode de multiplication d’une plante dans laquelle une pousse est recouverte d’un milieu de croissance et fixée horizontalement pour former des racines tout en restant attachée à la plante mère, imitant ainsi le mode de croissance naturel de la plante.

Les solanums sont généralement des plantes résistantes, mais les pucerons qui visitent la plante doivent être contrôlés en pulvérisant un insecticide naturel.

Mis en ligne par La vie re-belle
 8/02/2023
 https://lavierebelle.org/isogo-solanum-nigrum-solanacee

Connaître la flore de la région

Flore de la région des Grands Lacs d’Afrique de l’Est : Rwanda, Burundi, Kivu, Tanzanie Ouganda et Kenya

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