Médecine traditionnelle chinoise

L’histoire de la médecine traditionnelle chinoise est celle de l’élaboration progressive d’un immense corpus de connaissance qui remonte à plus de 5000 ans. Les plus anciennes traces écrites qui ont trait aux soins sont des inscriptions de prières pour les malades sur des morceaux de carapace de tortue et des os d’animaux. Un mélange de croyances, de symbolisme et de connaissances factuelles déduites de l’expérience s’est d’abord transmise oralement pendant des siècles avant d’être consignée. La médecine traditionnelle chinoise contient encore de très nombreux remèdes, qui ont été sélectionnés en fonction de leur symbolique plutôt que de leurs effets prouvés ; cependant, cela ne signifie pas nécessairement qu’ils sont tous des remèdes illusoires. Les herbes médicinales sont les éléments de la pharmacopée chinoise les mieux étudiés. La phytothérapie comme l’ensemble de la médecine chinoise est thérapie holistique fondée dans laquelle le concept d’équilibre et d’harmonie y est extrêmement important.

É volution de la médecine traditionnelle chinoise

On attribue au légendaire empereur chinois Shen Nong la découverte de la phytothérapie vers 2800 avant J.-C., et la définition des principes opposés, mais complémentaires connus sous le nom de yin et yang.

Shen Nong

Confucius (551-479 av. J.-C.) qui est célébré comme le plus grand sage de Chine a établi un code de règles morales basé sur ces principes en considérant qu’il existe un ordre et une harmonie de l’Univers résultant d’un équilibre délicat des forces yin et yang. Pour le philosophe, les humains doivent cultiver les cinq vertus de bienveillance, de justice, de bienséance, de sagesse et de sincérité, afin d’exercer leur propre force vitale dans ce cycle. Lao Tseu a étendu la doctrine confucéenne et a enseigné que l’homme ne peut atteindre l’harmonie personnelle qu’en s’inclinant devant l’inévitable.

La voie ou chemin pour vivre dans cet ordre naturel des choses a été appelée le Tao. Le long de ce chemin, les expressions fondamentales du yin (négatif et passif) et du yang (positif et actif) sont imbriquées.

Cette philosophie aurait été développée et étendue par Dong Zhongshu qui considérait l’homme lui-même comme un univers, contenant en lui le cycle du yin et du yang. Il s’en suivit que les principes taoïstes s’appliquèrent au bien-être de l’homme, et s’étendirent à l’alimentation et à la médecine en tant que facteurs d’équilibre entre la santé physique et mentale.

Dong Zhongshu

La nourriture et la médecine sont ainsi devenues interdépendantes. La médecine par les plantes était initialement le domaine des chamans et des reclus volontaire dans les zones montagneuses, qui croyaient que les brumes de montagne concentraient le Qi, l’essence vitale de la vie. Ils pratiquaient une mode de vie propice à la longévité, qui consistait à combiner un régime alimentaire et une médecine à base de plantes associée à la pratique d’arts martiaux.

Les principes de la médecine traditionnelle chinoise se seraient notamment structurés à partir d’une quête de « l’élixir de vie » qui dit-on obsédait alors l’aristocratie chinoise. Les médicaments réputés rajeunir et augmenter la longévité seraient toujours prisés aujourd’hui en Chine.

Sous la dynastie Han (206 av. J.C. à 220 ap. JC.) les remèdes humains et vétérinaires établis furent consignés enregistrés dans des livrets pratiques appelés
« Gansu », qui étaient des bandes de bambou ou de bois reliées entre elles. Tous les médicaments à base de plantes furent rassemblés dans le traité « Shen Nong Ben Cao Jing » : « la pharmacopée du Shen Nong ».

Shen Nong Ben Cao Jing

Le traité « Shen Nong Ben Cao Jing » classe les remèdes en trois catégories :

- Supérieure : les médicaments qui nourrissent la vie.
- Médiane : les médicaments qui apportent de la vitalité.
- Inférieure : les « poisons » utilisés pour les maladies graves.

Le médecin le plus connu de l’époque des Han, Zhang Zhongjing divisait les maladies en six types : trois types « yin » et trois types « yang ». Ses prescriptions visaient à corriger tout déséquilibre de ces forces. Il a également contribué au développement de l’acupuncture en dessinant une carte des méridiens le long desquels l’énergie vitale Qi du corps circule.

Une théorie de la circulation du sang était alors décrite et des anesthésiques principalement à base de Datura étaient utilisés. À la fin de la dynastie Han, tous les éléments que considérés aujourd’hui comme essentiels pour la médecine traditionnelle chinoise sont mis en place ; leur raffinement s’est poursuivi tout au long des dynasties Tang, Song et Ming.

Au cours de la dynastie Ming, Li Shizhen (1518-1593 après J.-C.) a rédigé le classique « Grand Traité d’herbologie » : « Bencao gangmu », composé de 52 volumes recensant 1892 médicaments. Ce traité classique qui a été traduit en japonais et coréen et plus tard en, anglais, français et d’autres langues a dit-on marqué le début d’échanges culturels entre médecine chinoise et médecine occidentale.

Bencao gangmu

Au XXe siècle, les médecins missionnaires ont également traduit les revues médicales occidentales en chinois, et plusieurs générations de médecins chinois formés en Occident se sont efforcés de discréditer la médecine traditionnelle chinoise à base de plantes et l’acupuncture.

Après la révolution communiste de 1949, le gouvernement de la nouvelle République populaire de Chine a lui aussi critiqué les pratiques traditionnelles avant de revenir sur cette position et déclarer cet héritage comme un patrimoine national qu’il convenait d’étudier et de valoriser. Les scientifiques chinois furent mobilisés dans le cadre du « programme 523 » d’études des traités classiques et de nouvelles écoles de médecine traditionnelle chinoise furent créées. Lors de la révolution culturelle de 1966-1976, des « médecins aux pieds nus » n’ayant pas plus de six mois de formation furent envoyés dans les zones rurales pour remplacer les « intellectuels sous influence bourgeoise occidentale ».

« Médecin aux pieds nus » 1974

Aujourd’hui, les systèmes d’origine chinoise et occidentale coexistent et les écoles de médecine de type occidental enseignent aux étudiants la médecine traditionnelle chinoise et l’acupuncture.

Concepts de la médecine traditionnelle chinoise

Le Qi est le fondement de la médecine chinoise. Invisible, il est considéré pourtant palpable et présent dans toutes les transformations et dans tous les mouvements ou fonctions. Le Qi est considéré est à la fois comme l’énergie vitale (ou ancestrale), l’énergie de l’air captée par la respiration et l’énergie de la nourriture absorbée.

Le Qi est conçu comme la substance primordiale ou l’essence qui par l’impulsion de son énergie permet aux choses animées ou inanimées et aux organismes vivants du monde d’exister et de se développer sous les formes dans lesquelles ils se matérialisent. Tout corps organique ne vit que par l’accumulation, la concentration ou la densification du Qi. Dès que le Qi s’affaiblit et, perdant sa concentration, se dissipe, se disperse et disparaît les corps organiques qu’il anime dépérissent et meurent.

Pour la médecine chinoise, le Qi circule à la fois en surface et en profondeur par l’intermédiaire des différents méridiens qui relie la matière, les organes et influe sur la partie physiologique et psychique de l’être humain. Un blocage un traumatisme ou un manque d’harmonie dans sa circulation créera des déséquilibres externes et internes.

Idéogramme du Qi

La digestion extrait le Qi des aliments et des boissons et le transfère à l’organisme ; et la respiration extrait le Qi de l’air et le transfère aux poumons. Ces deux formes de Qi se rencontrent dans le sang et forment le "Qi humain", qui circule dans le corps. C’est la qualité, la quantité et l’équilibre du Qi qui déterminent l’état de santé et la durée de vie. Il est donc évident que l’alimentation et l’air ont une incidence sur la santé, c’est pourquoi le régime alimentaire et les exercices respiratoires sont très importants.

La médecine chinoise considère que l’énergie vitale se dissipe progressivement tout au long de la vie, et qu’il est en conséquence important de la conserver grâce à l’alimentation, les arts martiaux, les exercices de respiration et la phytothérapie.

Yin et yang

La théorie du yin et du yang imprègne tous les aspects de la pensée chinoise.

Dans la représentation symbolique du Yin et du Yang, le cercle symbolise l’univers. Cet univers est mu par des forces contraires, qui en s’opposant, le font évoluer. Le cercle signifie aussi le mouvement perpétuel du monde, du fait du mouvement des énergies, de la vie en mouvement. À l’intérieur du cercle, les deux côtés opposés sont complémentaires.

Selon la cosmologie chinoise, la partie sombre Yin est associée au féminin, à l’intuitif, la lune, l’obscurité, le froid, la soumission, la raideur, l’inertie, la nuit, la faiblesse, l’immobilité, les rivières. Elle peut être appréhendé comme le négatif.

La partie claire positive Yang, est associée au masculin, à la logique, le soleil, la lumière, la création, la domination, la vigueur, le chaud, l’expansion, la force, le mouvement, les montagnes.

La cosmologie chinoise considère également que la terre est constitué par cinq éléments ; chacun est associé à un organe vital du corps :

金, jīn, « métal » ⇒ les poumons
木, mù, « bois » ⇒ le foie
水, shuǐ, « eau » ⇒ le rein
火, huǒ, « feu » ⇒ le cœur
土, tǔ, « terre » ⇒ la rate

Mais cette correspondance métaphorique importe moins que la relation entre les organes, les éléments, le Qi et le yin et le yang.

Les organes sont également considérés comme étant de type yin ou yang et sont appariés. Les organes couplés sont reliés par des méridiens, ou « canaux d’énergie », par lesquels circule le Qi. Les méridiens ne sont pas associés au système nerveux et ne sont pas visibles physiquement. Ils sont stimulés par des herbes et par l’acupuncture et auront un effet direct sur un organe particulier ainsi qu’un effet tonifiant sur le système.

Les causes de la maladie

Les bactéries, les virus et les produits chimiques ne sont pas considérés comme des causes. Un organe ne peut être attaqué que s’il est affaibli ; la faiblesse qui peut être le résultat de forces externes et de facteurs émotionnels internes est la cause et doit être rectifiée.

Les forces externes cosmologiques sont appelées les six excès :

- le vent
- le froid
- la chaleur de l’été
- l’humidité
- la sécheresse
- le feu

La plupart des gens, s’ils sont en bonne santé, ne sont pas affectés par ces excès, mais une déficience du corps en Qi, des conditions météorologiques anormales (c’est-à-dire différentes de celles attendues), peuvent induire des problèmes de santé.

La médecine traditionnelle considère sept émotions comme les principales causes internes de maladie. Quand une émotion devient trop intense, ou oppressante, elle peut donc blesser des organes et engendrer une maladie. Le déséquilibre sera plus ou moins accentué en fonction de l’intensité, de la durée ou de la répétition de l’émotion.

Les sept émotions sont les suivantes :

- la joie (xǐ ; 喜)
- la colère (nù ; 怒)
- l’anxiété (yōu ; 忧)
- les soucis (sī ; 思)
- la tristesse (bēi ; 悲)
- la peur (kǒng ; 恐)
- la frayeur (jīng ; 惊)

Une fois que les dommages physiques ont été causés, quelle qu’en soit la cause, il faudra plus que des facteurs émotionnels pour les guérir et des plantes médicinales seront utilisées.

Il existe quelques autres causes, qui ne sont pas des excès émotionnels ou externes. Elles sont l’exception et non la règle, et comprennent les épidémies, les piqûres d’insectes et d’animaux, les infestations de vers et les maladies héréditaires.

Diagnostic

Différentes méthodes sont utilisées : l’examen de la langue, le diagnostic du pouls, la détection par massage de la température corporelle et des muscles ou nerfs noués, l’entretien sur les éventuels troubles du sommeil, goûts en matière de nourriture et de boisson, qualité des selles et de l’urine, fièvre, transpiration et l’activité sexuelle.

Traitement

Le but du traitement est de rétablir l’harmonie, le Qi et l’équilibre yin/yang. Par exemple, les maladies liées au froid comme le rhume des poumons, la toux, les vomissements et les nausées sont considérées comme un déficience de yang et le traitement pourra être effectué avec une plante réchauffante comme le gingembre, mais d’une manière générale la prescription sera une association de plantes.

Une fois l’ordonnance rédigée, le patient l’apporte à un herboriste qui prépare le remède. Le patient peut recevoir un mélange d’herbes brut avec des instructions sur la façon de le préparer à la maison, sous forme d’infusion par exemple. La préparation de l’ordonnance par l’herboriste et peut prendre plusieurs jours. Les préparations à libération lente sont faites à l’aide de cire d’abeille ; les vins toniques, les pâtes fermentées à base de plantes et les cataplasmes externes sont également courants.

La fonction d’une plante correspond à sa capacité à disperser la chaleur, renforcer le sang, ou tonifier le Yin par exemple. Elles sont classées selon leur valeur énergétique (Yin, Yang ou neutre). Le remède Yin soulage et calme, alors que le Yang réchauffe et tonifie le corps.

Les formules

La composition d’une formule recherche une synergie d’action entre ses différents composants. On y retrouve une forte analogie de la hiérarchie politique et de son vocabulaire. Classiquement une formule comprend :

- un composant central, le plus important en quantité, appelé « souverain » ou « empereur » qui doit traiter les principaux symptômes et l’étiologie de la maladie ;

- une ou plusieurs substances « ministres » renforcent son activité et ses effets. Les « conseillers » ont pour rôle de renforcer la thérapeutique, d’inhiber et de neutraliser les effets secondaires toxiques ou les effets trop forts d’un des composants principaux ;

- les « ambassadeurs » ou « messagers » dirigent les substances jusqu’au méridien destinataire et coordonnent les multiples actions de la formule .

Ces termes se réfèrent à sept aspects qui peuvent être recherchés ou à éviter, lors de la construction d’une formule.

Une formule recherchera :

- le renforcement mutuel par la combinaison de plantes aux effets similaires ;

- l’assistance mutuelle par la combinaison de plantes à action similaire, mais où l’une domine et les autres assistent

- le contrôle mutuel par la neutralisation mutuelle des effets secondaires entre les plantes ;

- la détoxification mutuelle où une plante a pour rôle principal dans la formule de supprimer les effets toxiques et secondaires d’une autre.

Elle évitera :

- l’inhibition mutuelle qui entraîne un double affaiblissement des actions initiales de deux des plantes ;

- l’incompatibilité génère des effets toxiques ou secondaires lors de l’utilisation concomitante de deux plantes.

Le dosage des quantités des différents composants dépend de leur nature et de leurs propriétés, de la forme d’administration et du patient lui-même (poids, âge, sexe, conditions physique et psychique).

Généralement, la durée de traitement d’une pathologie aiguë est de un à six jours. Après ce délai, le médecin revoit le patient pour observer l’évolution de la maladie.

S’il y a eu guérison, le traitement est arrêté. En cas d’évolution favorable, le patient poursuit le même traitement ou selon les résultats de l’examen la formule est modifiée. Après quelque temps, le malade reviendra de nouveau pour que le médecin s’assure de sa guérison. Cependant s’il y a eu stagnation ou aggravation de son état, le traitement est modifié ou changé après examen complet du patient. De même, le malade revient régulièrement pour le suivi de l’évolution de la pathologie.

Dans les pathologies longues, le traitement est utilisé sans modifications pendant un mois, avant la réévaluation du patient. Pour les maladies chroniques telles que l’arthrose ou l’emphysème, le médecin ne peut que la stabiliser ou la ralentir si le patient est prêt à modifier ses habitudes alimentaires et son hygiène de vie. Dans ce cas, on utilise des formules simples, associées à la diététique, de manière discontinue et prolongée comme 20 jours par mois par exemple

Au travers des théories du Yin et du Yang, la médecine chinoise est donc fondée sur l’unicité du corps et de l’esprit dont l’harmonie résulte d’un équilibre dynamique entre différentes forces. Chaque plante est caractérisée par sa nature et sa fonction dans la matière médicale. L’association des différentes plantes d’une formule recherche une synergie d’action, en renforçant les effets thérapeutiques et en contrôlant réciproquement les effets indésirables.

Mis en ligne par La vie re-belle
 11/04/2021
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