Techniques dogons de récolte de l’eau et de gestion de la fertilité des sols

Une leçon de résilience

D’ordinaire, des agronomes occidentaux viennent pleins de bonnes intentions dans les pays dits « du Sud » apprendre aux cultivateurs comment améliorer leurs pratiques. « Ce qui est étrange, disait un paysan malgache, c’est que les blancs ne nous demandent jamais pourquoi nous faisons comme nous faisons ? »
Dans cet article nous renversons la hiérarchie coutumière des savoirs en examinant quelles leçons d’agriculture et de résilience en milieu aride et a priori défavorable nous offre l’expérience du peuple dogon établi au sud du Mali.

Techniques dogons de récolte de l’eau et de gestion de la fertilité des sols

Une leçon de résilience

Leçons dogons de récolte de l’eau et de gestion de la fertilité des sols

N.B. Ce texte est le patchwork d’extraits d’études de différents chercheurs que j’ai remaniés, cités et tissés lors de ma revue des publications sur le sujet. L’ensemble des sources est cité en fin d’article.

Selon leurs traditions orales, les Dogons seraient originaires du Mandé, région située aujourd’hui entre le sud du Mali et l’est de la Guinée qui fut le foyer historique de la communauté mandingue. Les Dogons auraient choisi de quitter le Mandé, entre le XIIe et le XIVe siècle (selon les sources) et auraient migré vers les montagnes avec le souci de trouver un site refuge pour échapper à l’insécurité qui régnait dans les plaines, en raison des guerres multiples lors de la constitution des empires de la région. Ils s’établirent sur le plateau de Bandiagara, site austère mais propre à assurer leur sécurité. Les falaises et le terrain rocheux du plateau leur offrit aussi plus tard une excellente une protection contre les razzias esclavagistes. Ce n’est que lorsque ces raids ont cessé que les Dogons ont pu s’étendre sans crainte dans les plaines autour du plateau.

Pied de l’escarpement de Bandiagara au Mali, refuge des Dogons

Dans l’excellent livre, Agricultures singulières, les auteurs décrivent le « pays dogon » ainsi :

« Le plateau Bandiagara qui s’élève à une altitude de 400 à 600 m. À l’ouest, ce plateau s’incline en pente douce vers le delta intérieur du Niger ; à l’est il surplombe la plaine du Sino-Gondo par une falaise abrupte, haute de 200 à 400 m. Sa superficie est de 10 000 km2 et sa largeur n’excède pas 80 km. Les glacis gréseux qui le composent sont par endroits surmontés de buttes bordées d’escarpements raides, d’une centaine de mètres de hauteur. Le plateau est parcouru de vallées sableuses particulièrement étroites et d’éboulis. Il est drainé à l’ouest par des cours d’eau temporaires, alimentés quatre à cinq mois par an, près desquels sont implantés les villages. À l’est, les pluies dévalent sur les dalles gréseuses et s’accumulent en petites mares au pied de la falaise. Les pluies (500 à 700 mm par an) surviennent de juin à septembre et présentent moins d’irrégularité interannuelle que dans les plaines adjacentes, bien que les années sèches soient fréquentes, comme il est habituel sous ces climats sahéliens. Enfin, l’harmattan souffle fréquemment, mais les vents apportent un peu de fraîcheur et surtout, éloignent les moustiques. Le peuplement du plateau est très lâche dans le centre ainsi qu’à l’ouest tandis que les densités humaines les plus fortes se trouvent à la périphérie, là où les sites défensifs sont les plus nombreux et les terroirs les plus variés. La zone des falaises peut atteindre des densités de 50 hab./km2, groupés dans des villages perchés en haut des pentes d’éboulis. »

Carte du « Pays dogon » d’après Bénédicte Thibaud (2005)
Carte du « Pays dogon » d’après Jean Gallais (1965)

Si le peuple dogon a trouvé dans le plateau de Bandiagara un lieu permettant d’assurer sa sécurité, il lui a fallu relever le défi de produire de la nourriture sur un site peu favorable à l’agriculture et où l’eau est rare.

Les Dogons ont relevé ce challenge avec succès en développant toute une série de méthodes et de techniques ingénieuses de gestion de l’eau et création de sols et d’entretien de leur fertilité. C’est à ces connaissances et ces savoir-faire que nous nous intéressons ici. Vivant dans un milieu naturel fortement différencié où les sols, le relief et l’hydrologie varient sur de courtes distances, les paysans dogons ont développé une variété de techniques et d’aménagement pour s’adapter aux contraintes du milieu.

Procédons à un premier inventaire des techniques développées par les Dogons pour pouvoir cultiver avec efficacité dans les milieux contrastés où ils vivent les Dogons avant de détailler la mise en œuvre de chacune.

Les Dogons ont développé une résilience agricole :

- en créant de petits champs entourés de blocs de grès retenant la terre arable, et piégeant les ruissellements lors des pluies ;

- en créant littéralement de nouveaux sols à partir de la terre sableuse remontée de la plaine qu’ils ont étalée sur des dalles de grès entre des cordons pierreux soigneusement arrangés pour retenir la matière fertile et ingénieusement disposées pour que les dalles de grès en amont servent d’impluvium, c’est-à-dire de zone de captage et de collecte des eaux pluviales ;

- en creusant, là où le terrain le permet, des petites fosses de plantation paillées de résidus de récolte et amendées de fumier pendant la saison sèche ;

- en confectionnant surtout et des parcelles maraîchères structurées en nid d’abeille remplies de bonne terre et d’amendements organiques.

- en paillant les zones maraîchères ;

- en développant une technique sophistiquée de compostage ;

Par ailleurs, lorsqu’ils purent quitter les plateaux et investir la plaine, les Dogons ont développé une céréaliculture particulièrement sophistiquée dans la plaine du Séno,

- en entretenant un parc d’arbres au cours des siècles, fertilisant les parcelles où sont cultivés le mil et le sorgho ;

- en développant des techniques de culture sous arbres taillés pour offrir un ombrage intermittent ;

- en confectionnant des buttes organiques pour la céréaliculture, une technique qu’ils partagent avec les paysans de la plaine du Séno voisin ;

Enfin les Dogons ont également développé des techniques de conservation de leurs récoltes et de leurs semences.

Ce faisant les Dogons nous offrent une série de leçons d’agriculture durable en milieu très contraignant qu’il est utile de méditer alors que le dérèglement climatique nous oblige à penser des modes de culture résilients dans des contextes d’évènements extrêmes alternants sécheresse, excès de pluie...

Notons que la pensée technique et agricole des Dogons est articulée à une vision du monde, une relation aux éléments et une spiritualité profonde que nous n’exposerons pas ici. Ce rapport au monde a notamment été exploré par Marcel Griaule, ethnologue français célèbre pour ses travaux sur les Dogons exposés dans son livre Dieu d’eau.

Grenier à mil au premier plan à droite et cour familiale

Pour répondre au défi survivre dans un milieu peu favorable à l’agriculture, les Dogons ont donc développé une connaissance approfondi du milieu et des savoir-faire pointe. Avec beaucoup d’ingéniosité, les Dogons ont montré qu’il était même possible de créer de véritables jardins productifs y compris lorsque la terre fait totalement défaut et que l’eau est rare.

Les Dogons ont aménagé de manières variées les différentes niches de leur milieu en exploitant les ressources locales. Ils ont initialement édifié des lignes de pierre en travers des pentes douces pour freiner les ruissellements et contenir le sol, puis établi des terrasses étroites divisées en casiers sur les pentes les plus raides et confectionné des buttes enrichies dans les champs de mil.

Plus tard, les Dogons ont construit des barrages sur les ravines étroites pour accumuler des sédiments et former de nouvelles parcelles de cultures, ils ont préparé des casiers entourés de levées de terre pour stocker les eaux de pluie, sur les sols les plus épais, ils ont pratiqué la technique de culture en fosse qu’on appelle zaï au Burkina Faso.

Au fur et à mesure que les plateaux intérieurs étaient investis, les techniques des cultivateurs dogons ont évolué pour s’adapter aux conditions naturelles.

Revue des techniques dogons de conservation des eaux et des sols

Aménagement des flancs des collines en terrasses

Les anciens Dogons ont aménagé les flancs de collines en édifiant des murets en pierres sur tous les espaces exploitables pour l’agriculture. La construction de ces aménagements s’est faite en suivant les courbes de niveau du terrain. Les escarpements de falaises et de hauts plateaux étaient jadis couvertes de terrasses. Ailleurs, à l’intérieur du plateau où les collines sont moins fréquentes elles étaient bien moins répandues.

Croquis d’un aménagement de flanc de colline (source : A. Kassogué et al 1990)

Une des fonctions essentielles des terrasses est de réduire et freiner le ruissellement qui est assez important sur les flancs à forte pente. Sur la terre aplanie des casiers, l’eau de pluie stagne puis s’infiltre. La terre est ainsi conservée et son humidité se prolonge.

Des travaux de terrassement ont donc permis de valoriser les escarpements de la muraille verticale du plateau. Entre les rochers, les paliers naturels de la pente ont été épierrés et les blocs disposés en murettes appuyées sur les arbres présents ou sur les restes de grès en place. Les murets principaux sont cloisonnés par des murettes secondaires et forment ensemble des casiers en paliers. Dans chaque casier, la terre est aplanie pour que l’eau de pluie y ruisselle difficilement. Des amphithéâtres ont ainsi pu être aménagés sur 100 m de hauteur et 500 m de circonférence. Vus de profil, ces aménagements en paliers ont l’aspect de marches d’escalier.

Mini-terrasses sur glacis de grès en flanc de colline

Entre les terrasses, les lits des ruisseaux, à sec la plus grande partie de l’année, ont été dégagés pour assurer un drainage accéléré en saison des pluies. Leurs fonds ont été récurés, et débarrassés des bouchons de branchages qui y étaient accrochés. Ils ont été transformés en drains artificiels par pavage des lit et édification sur les rives de murettes en pierre. L’évacuation des eaux de ruissellement sur ces fortes pentes a ainsi été assurée sans dommage pour les versants cultivés.

- Ces champs terrassés sont appelés « péguès ». « Fait remarquable, note Jean Gallais, ces péguès sont aménagés sur des escarpements dont le piémont est inutilisé sur de grandes étendues. Cela est lié à la supériorité des sols de versants qui de part leur nature sablo-argileuse, ont une capacité de rétention meilleure que celle des sables ou des cuirasses de plaine. Plus lourds, ils sont travaillés avec une houe spéciale dite « so go » dont la lame étroite et l’angle de frappe aigu assurent une grande force de pénétration. Dans les péguès, les paysans pratiquent des cultures associées mêlant sorgho, oseille, haricot, coton et multiplient encore les précautions en utilisant diverses variétés de sorgho, pivot de l’association.

Ces champs péguès sont en culture permanente et reçoivent une part importante de la fumure de case lors du « birim tiagoué », c’est-à-dire du transport collectif de fumier mûr dans les champs, car ils sont d’accès difficile aux troupeaux des pasteurs peuls. Dans certains péguès, comme ceux des escarpements des villages de Bamba au Nord-Est du plateau, sont pratiqués des semis précoces de sorgho avant les pluies. Les paysans justifient cette pratique en expliquant que les racines du gros mil enracinent le sol dénudé lors des premières pluies. »

Sur le plateau de grès de Bandiagara, poursuit Jean Gallais, « lorsque les placages sableux sont conservés sur des glacis en pente douce, ils sont cultivés sous couvert d’acacia. Les Dogons aménagent ces sols très sensibles à l’érosion en carroyant leurs champs de petites levées de terres orthogonales de 30 à 40 cm d’élévation. La dimension des carrés varie avec la pente. Elle est d’autant plus réduite que la pente est plus forte. Ces sols sableux sont propices au petit mil. Lors du premier désherbage, fin juillet, on ramène les mottes de terre en buttes autour des tiges. Carroyage de levées et entassement au pied de tige traduisent les mêmes précautions : augmenter la rétention de l’eau de pluie pour entretenir la croissance du mil lors des interruptions de la pluie et lutter contre l’érosion épidermique qui menace de décaper l’horizon A des sols tropicaux peu évolués. »

Carroyage de levées de terre et buttage des pieds de mil

Au pied des éboulis de la falaise, de nombreux ruisseaux et mares collectent les eaux des sources ou des résurgences formant une dépression humide verdoyante, appelée « bombo », où s’épanouit une forêt claire assez dense. Les sols gris noir composés de sables argileux y sont très humifères. En saison des pluie le fond de la dépression devient marécageux. Ce piémont fertile qui ceinture la falaise pouvant porter des cultures variées était intensivement cultivé quand l’insécurité ne régnait pas dans les plaines.

Bombo

La présence des mares et des rivières du Bombo attirent les troupeaux des Peuls en saison sèche venu des « séno », les plaines sableuses voisines et du Mondoro qui constituent des domaines pastoraux traditionnels pour les éleveurs peul de la région. Pour protéger les parcelles cultivées de la divagation du bétail, les Dogons ont bordé leurs champs de haies d’euphorbes très anciennes, renforcées d’une clôture plus ou moins hermétique.

Mare sacrée abritant une grande richesse biologique

« Le bombo humide est le domaine de cultures permanentes, riches et diversifiées. Des pieds de piment, arrosés y sont cultivés sous l’ombrage épais d’épineux producteurs de baies comestibles. Les cotonniers vivaces et arbustifs sont associés aux touffes de l’arachide. « Le riz est d’une venue dense et régulière, soit qu’il s’agisse d’« ara pili », le riz blanc, d’« ara banou », le riz rouge, ou d’« ara guem », le riz noir, réservé pour les meilleures terres. Le petit mil est de façon générale associé à l’oseille de Guinée (Hibiscus sabdarifa) et aux haricots niébé ; le sorgho est atteint ici de gigantisme. Même au cœur de la saison sèche, le bombo offre au voyageur la clémence de son ombrage et la douceur de son paysage. » (Jean Gallais)

Culture de riz inondée

Indispensables lorsque les Dogons étaient menacés, l’aménagement et l’exploitation de terrasses en flancs des collines a reculé au cours du XXe siècle. Depuis que leur libre circulation sécurité est assurée, les Dogons ont occupé les terres des vallées, plaines, aux terrains sablonneux ou semi-sablonneux et celles de l’intérieur du plateau qui exigent moins de labeur et des terrassements moins complexes.

Ces terres nécessitaient d’autres types modes d’exploitation. Nous allons voir comment les Dogons ont aménagé ces espaces.

Technique des cordons et diguettes de pierres

L’emploi des cordons de pierres dans les champs est quasi généralisé sur l’ensemble du plateau de Bandiagara. Il s’agit de pierres alignées d’un seul tenant, sans superposition ni jointoiement des pierres en vue de renforcer l’ouvrage. La construction se fait perpendiculairement au sens du ruissellement dans les champs dont la pente est faible. Dans certains cas, les cordons de pierres sont cloisonnés pour augmenter leur efficacité.

Les cordons de pierres freinent la vitesse d’écoulement de l’eau de pluie, favorisent dans une certaine limite les dépôts des débris végétaux et permettent l’infiltration.
Les cordons servent aussi a conquérir/récupérer des terrains totalement dégradés, dénudés appelés « aérodromes » ou les arbres et même les herbes poussent difficilement.

L’édification des cordons exige une technicité. Ceux qui sont construits sans savoir-faire sont inefficaces, car l’eau de ruissellement arrache les pierres et rompt les cordons.

Les diguettes ou murettes sont des structures plus consistantes que les cordons de pierres construites là où les cordons seraient inefficaces face à l’ampleur du ravinement.

Jardins en casiers

Avec la technique des cordons et diguettes, les Dogons ont créé près des points d’eau, des jardins entourés de pierres sur lesquels ils cultivent aujourd’hui l’oignon et l’échalote.

Ces jardins, appelés « ôno » ou « ôgo », sont le fruit d’une des pratiques singulières les plus fascinantes des terroirs dogons. Les cultures maraîchères qui y sont pratiquées en saison sèche par irrigation ou arrosage, écrit Jean Gallais « créent au milieu des surfaces calcinées et des empilements rocheux un soudain paysage d’oasis. La vie, l’activité humaine semblent s’y concentrer dans la fraîcheur des vergers, entre les canaux d’eau courante. Le soin minutieux, on pourrait dire esthétique, avec lequel les planches de légumes sont façonnées, entretenues et nettoyées surprend et enchante lorsqu’on a parcouru les rochers du plateau ou les dunes du Séno. »

La spécificité des jardins ôno ou ôgo tient à l’aménagement des casiers de culture cernés de murettes de pierre ou de terre construits non loin d’un point d’eau sur les terres dénudées où la roche affleure.

Pour réaliser les casiers de pierres, les paysans et paysannes commencent par aligner des pierres obtenues en cassant ou explosant par le feu des rocailles qui sont ensuite apportées sur le futur site de culture.

Les murets, dont la hauteur varie de 30 cm à 1,5 m, se croisent à angle droit, délimitant des parcelles de un à deux mètres carrés. Chaque parcelle est alors remplie de terre mêlée de débris végétaux, récupérée dans les champs ou près des sources et apportée aux jardinets dans des paniers, à dos d’homme. Le sol ainsi reconstitué atteint de 10 cm à 100 cm d’épaisseur puis il est nivelé.

Les bordures de casiers cultivés peuvent aussi être construites en terre.

Ces billons cloisonnés sont hautement appréciés pour la conservation des eaux et des sols qu’ils permettent. Leurs bordures de pierres ou de terre sont normalement étanches, sauf en cas de rupture d’une section donnée. Les averses importantes et brutales peuvent causer des dommages aux billons en les coupant en plusieurs endroits. Les averses importantes et brutales peuvent causer des dommages aux billons en les coupant en plusieurs endroits. En temps normal, leur étanchéité permet le stockage dans les casiers de la quasi-totalité des eaux des pluies qui y tombent. L’écoulement et l’érosion y sont donc nuls et le sol reste humide longtemps.

Jardin familial exploitant la technique des casiers de terre levée

Jardin familial exploitant la technique des casiers également appelés

L’oignon et échalotte y sont plantés ainsi que quelques tomates et du piment en saison sèche puis des aubergines, du maïs, ou du mil en saison humide. L’arrosage se fait à la main à partir d’une source proche.

Les rendements obtenus par la production d’oignons sont de 30 tonnes à l’hectare et alimentent aujourd’hui l’exportation vers le Mali et la Côte-d’Ivoire.

Arrosage d’un champ d’oignons

L’évolution à la baisse des pluviométries de la région a favorisé l’augmentation de la pratique des billons cloisonnés afin de stocker chaque goutte d’eau qui tombe dans les champs aménagés. Ainsi, dans certaines localités au nord de Bandiagara où les conditions pédologiques sont favorables aux billons, la pratique de la technique des billons cloisonnés est intense.

Technique des cuvettes de culture « wégou »

La technique consistant à cultiver dans des cuvettes creusées, utilisées par les Dogons est similaire à celle des « zaï » Burkinabés, et certains chercheurs affirment que la pratique du zaï est originaire du Mali. En pays dogon, ce type de cuvette est appelé « wégou ». Comme ailleurs au sahel, cette technique de culture est pratiquée sur des sols relativement profonds, cuirassés, difficiles à travailler et éloignés des points d’eau.

Wégous bordés d’un levée de terre en croissant pour retenir les ruissellements

Chaque wégou à environ 20 cm de diamètre, 15 a 20 cm de profondeur. Creusés en ligne, les trous de culture sont distants l’un de l’autre d’à peu près 30 a 35 cm. Les trous peuvent être bordés en aval d’un croissant de terre pour capter plus d’eau de ruissellement.

Les wégous sont creusés en saison sèche. Les petites fosses de plantation sont paillées de résidus de récolte et amendés de fumier ce qui conduit à une augmentation de l’activité des termites qui, augmente elle-même le taux d’infiltration d’eau lorsque les pluies viennent. Le mil ou d’autres plantes sont semés dans les trous individuels, ce qui aide également à protéger les semis des effets desséchants du vent au moment du semis et de la croissance des plantules.

Wégous amendés de fumier

Le « système wégou » peut associer d’autres méthodes de réhabilitation et de fertilisation des terres et de rétention des eaux de pluie comme celle des cordons de pierres qui ralentissent le ruissellement et favorisent l’infiltration de l’eau.

Cordons de pierres

Utilisés pour concentrer des ressources rares (eaux matières organiques) et améliorer les sols pauvres et nus des zones arides les wégous créent un micro environnement qui augmentent la résistance à la sécheresse. Les cuvettes atténuent le ruissellement, conservent l’eau de pluie durant 24 h, même 48 heures âpres sa tombée. Le mil qui pousse dans les cuvettes bénéficie de beaucoup d’humidité. Ce système améliore les rendements des cultures. Interrogé sur l’ampleur et les avantages des cuvettes, un habitant du village de Roundialan déclare : « Dans notre village, toutes les familles pratiquent la technique des wégous. sans ces cuvettes, certains de nos champs produiraient trop peu, d’autres ne produiraient même pas ».

Bandes de tiges et de branchages feuillés

La technique des bandes de tiges et de branchages feuillés peut être un complément des wégous. Les tiges de la saison passée que le paysan dessouche en préparant son champ pour la nouvelle saison des pluies, et les feuillages et branchages coupés aux environs des champs sont utilisés pour freiner l’érosion.

Elles sont intentionnellement disposées pêle-mêle en bande pour qu’au cours des premières pluies les gouttes qui tomberont sur les bandes de tiges n’arrachent pas des particules de terre. Cette technique atténue partiellement l’évaporation, car une certaine quantité de l’insolation est réfléchie au niveau des tiges et n’arrive point au sol. Les tiges mises en bandes, se décomposeront au fil des saisons vont également acquérir un pouvoir fertilisant.

Durant la première année de leur construction, les bandes de tiges freinent le ruissellement diffus et favorisent les dépôts en débris organiques et des particules terreuses. Afin qu’elles soient plus efficaces dans leurs rôles de conservation, leur renforcement avec quelques pierres est nécessaire car laissées à elle-même, les bandes de tiges résistent très peu aux coups de vents des orages et aux ruissellements.

Bandes de tiges et de branchages feuillés

Les bandes de feuillages limitent l’érosion favorisent l’infiltration et atténuent également la force des vents si elles sont elles-mêmes renforcées par quelques pierres. Les feuilles tomberont au sol l’ameubliront et créeront un espace assez riche en substances organiques en se décomposant.

Édification de buttes

Le buttage est une technique courante de conservation des eaux et des sols appliquée dans les champs de mil ou de sorgho en pays dogon et au-delà au Mali. Elle consiste à édifier de monticules de terre coniques qui mesurent en moyenne plus ou moins ou - 60 cm à leur base et 35 cm de hauteur. Les buttes sont formées au moment du binage et à l’occasion du premier sarclage (21 jours après la levée des semis). Elles recouvrent la biomasse des adventices arrachées et sont disposées en quinconce entre les pieds de céréales qui eux-mêmes sont localisés sur des buttes antérieures. Au cours d’un deuxième sarclage, les adventices sont déposées sur les buttes. Cette pratique permet de stocker des matières organiques dans les champs. Le binage se fait au mois de juillet lorsque les cultures sont encore jeunes et le sarclage en fin août-septembre lorsque le mil croit vers la phase d’épiaison.

De telles buttes présentent plusieurs intérêts :

- elles freinent la vitesse de ruissellement des eaux de pluie et de favoriser leur infiltration.

- elles fertilisent le support des semis car, en confectionnant les buttes, le paysan recouvre les mauvaises herbes ce qui fait que chaque butte devient une mini-compostières. Les herbes enfouies se transforment en fumure organique qui servira de fertilisant aux cultures des années suivantes car les buttes sont serviront à porter les semis de la prochaine saison, qui trouveront dès leur germination assez des nutritifs à l’intérieur des buttes facilitant leur croissance.

- elles favorisent la résistance des semis aux vents des orages.

Armand Kassogué et al. rapportent que la pratique de la technique des buttes s’est accru dans le temps. Jusqu’en 1950 environ, les Dogons ne faisaient que le binage de leurs champs. Actuellement, il s’y est ajouté le sarclage qui est en fait le renouvellement ces buttes faites au cours du binage de la même saison.

Champ de mil avec buttes qui attend la pluie

Remarques sur les techniques dogons de conservation des eaux et des sols

Selon Armand Kassogué et al. les techniques les plus anciennes seraient les buttes, les terrassements ou aménagements des flancs de colline et les cordons de pierres. Leur application dans l’agriculture remonterait aux premières activités agricoles des Dogons sur le plateau.

Les autres techniques sont de création et d’application plus récente, au fur et à mesure que les plateaux intérieurs se laissaient habiter, des techniques se créaient pour adapter et donner un équilibre entre les conditions naturelles et l’agriculture. C’est pourquoi certaines sont zonalisées, car elles ne peuvent être appliquées ailleurs.

Les buttes, les cuvettes, les billons cloisonnés, les cordons de pierre ; et les diguettes s’associent sans difficulté. Chacune de ces techniques se retrouve à côté de l’autre dans un même champ pour se compléter ou bien elles sont intégrées selon les besoins. Ce sont les buttes qui sont les plus associées aux autres.

Les avantages des différentes techniques traditionnelles se recoupent : réduction des effets de l’érosion, amélioration de l’infiltration et des dépôts limoneux. L’efficacité des techniques est variable , les billons cloisonnés sont plus efficaces en matière de stockage des eaux de pluie et d’empêchement du ruissellement. Son efficacité se limite sur les sols à pentes réduites. Les diguettes sont les techniques les plus efficaces peur limiter la vitesse de l’écoulement sur les terrains à pentes fortes et aux endroits où le ravinement a déjà eu des effets considérables.

En période de faibles pluviométries, la plupart de ces techniques sont appliquées avec rigueur pour collecter l’eau au maximum, car il est nécessaire de collecter chaque goutte d’eau qui tombe dans les champs pour faire croître les cultures. En revanche en période de bonnes pluviométrie, les techniques de conservation de l’eau sont logiquement moins intensément mises en œuvre. Les paysans ménagent même des ouvertures dans leurs aménagements rétenteurs pour que l’excès d’eau qui pourrait nuire aux cultures puissent s’évacuer.

Autres techniques dogons

Techniques agroforestières

Dans les champs de la plaine du Séno, les paysans dogons entretiennent la fertilité du sol par le maintien d’une couverture d’arbres champêtres et l’apport de fumure. Ces pratiques ne sont pas propres aux Dogons, mais ces derniers les manient avec beaucoup d’ingéniosité et de soin.

Production combinée de la nature et des hommes, les parcs arborés de la plaine ont clairement une vocation agroforestière. La présence d’arbres multifonctionnels sélectionnés dans les champs est la règle. Différents types de parcs arborés ont été créés en fonction des de milieux et selon les besoins et les usages.

Comparés aux parcs observés dans les régions voisines, ceux du Pays dogon sont particulièrement denses et anciens. Ainsi celui de la vallée de Dembéré-Douentza s’étend sur 7 000 hectares. Il n’est pas rare que les tronc des arbres âgés de deux à trois siècles régulièrement espacés atteignent 1 m à 1,30 m de diamètre. Le parc agroforestier de 40 à 50 arbres à l’hectare, et d’une grande homogénéité.

Dans la plaine du Séno, les peuplements de ségué, nom dogon de l’espèce Faidherbia albida, sont les plus fréquents. Ils s’étendent, de manière continue, sur 30 000 hectares au pied de l’escarpement. Dans cette région, fréquentée par le bétail des Peuls, les troncs sont protégés d’un fourré de branches épineuses.

Parc agroforestier de ségué (Faidherbia albida)

La présence de ségués a des effets bénéfiques sur les sols en augmentant leur teneur en en matière organique qui est multiplié par 2,5 sous leur couronne ; l’arbre augmente également la capacité de rétention de rétention d’eau de 1,8 à 2,5 ; l’apport de potasse, chaux, magnésie, acide phosphorique est équivalent à celui de 50 à 60 tonnes d’engrais de synthèse par hectare ou de 100 kg de chaux agricole.

Le bénéfice spécifique du ségué tient notamment à sa caractéristique d’être en feuilles en saison sèche quand il n’y a plus de cultures dans les champs et sans feuilles pendant la saison des pluies et celle de croissance des cultures (on parle de "phénologie inversée"). Cette particularité est favorable aux cultures et elle permet de nourrir les animaux grâce à son fourrage très riche, au bon moment, quand la nourriture n’est plus disponible dans les pâturages. Les troupeaux qui profitaient des pâturages en saison des pluies peuvent migrer vers les zones à Faidherbia en saison sèche et y survivre durant cette saison très difficile. Au passage, ils défèquent sous ces arbres en enrichissant le sol, au profit des cultures au cycle suivant.

Culture de mil sous Faidherbia albida

On rencontre également des palmeraies de palmiers-doums et de palmiers-rônier. La vallée du Ndia contient, entre les villages de Gassi et de Banguel Toupé, une rôneraie de 600 hectares et de très forte densité puisqu’on recense 50 à 100 individus à l’hectare. Les arbres, de 30 mètres de hauteur, semblent âgés de deux à trois siècles. Les palmiers-doums (Hyphaene thebàica) occupent les vallées septentrionales. Autour de Tintam-Borko sur la retombée Nord du plateau, dans le Léolgéou, doums et rôniers sont associés.

Palmeraie en pieds de falaise

Le plus souvent, les parcs agroforestiers du Pays dogon ne sont pas monospécifiques, même si une espèce y est généralement dominante. Les principales autres espèces combinées de manières variées sont :

- Vitellaria paradoxa
- Prosopis africana
- Adansonia digitata
- Sclerocarya birrea
- Lannea microcarpa
- Combretum glutinosum
- Detarium microcarpum
- Tamarindus indica
- Parkia biglobosa
- Terminalia spp.…

Divers ficus et deux espèces de Lannea, Lannea acida et Lannea microcarpa, sont également conservés précieusement dans les chaos rocheux cultivés car leur enracinement vivace retient le sol. Il en est de même de Combretum gloconum, qui s’accroche aux fissures des grès et y ancre des placages de sable.

Fait remarquable, tous les arbres cultivés sont multifonctionnels : ils procurent de la nourriture avec leurs fruits, leurs graines et leurs feuilles ; du fourrage avec leurs feuillage ; des matières cosmétiques, médicinales et tinctoriales ; des fibres, du bois d’œuvre et du combustible ; de la matière organique fertilisante…

Technique de l’ombrage intermittent

Les Dogons ont développé une technique agroforestière particulière pour cultiver sous les arbres. L’anthropologue Roland Bunch rend compte de cette pratique en ces termes :

« C’était en novembre 2011, pendant l’une des pires sécheresses jamais subies, même dans la région du Sahel en Afrique, juste au sud du désert du Sahara qui s’étend. Bien que ce soit la période des récoltes, il n’y en aurait pas pour des centaines de milliers d’agriculteurs tout autour de nous. Alors que nous roulions à plus de 500 km au nord-est de la capitale du pays vers des villages proches de la ville de Koro, près de la frontière burkinabé, pratiquement chaque champ autour de nous n’avait pas un seul plant de maïs, de sorgho ou de millet qui vous arriverait à la taille.

Mais à mesure que nous approchions des villages de notre destination, nous avons commencé à voir un spectacle étrange. Dans chaque champ, il y avait environ 80 à 100 arbres par hectare, d’une douzaine d’espèces différentes. Le plus étrange, c’est que chacun d’entre eux avait la forme d’un drôle de cône inversé, comme d’énormes entonnoirs de cuisine. De plus, nous pouvions voir les gens récolter et ramener au village une récolte abondante de millet et une demi-douzaine d’autres cultures. Même moi, qui ai 50 ans d’expérience dans l’amélioration de l’agriculture des petits exploitants dans 51 pays en développement, je n’avais aucune idée de ce qui se passait. Ces gens avaient en quelque sorte créé une véritable oasis au milieu d’un désert.

Après nos salutations élaborées et obligatoires, après avoir demandé comment tout allait jusqu’au bétail des gens, j’ai demandé à l’un des chefs dogons ce qu’étaient ces drôles d’arbres en forme d’entonnoir. En bon professeur qu’il était, il a commencé par me poser une question pour illustrer son propos :

« Qu’arrive-t-il aux cultures qui sont plantées juste sous un manguier, avec son feuillage dense au ras du sol ? »

- Les cultures meurent.

- Pourquoi ?

- Parce qu’elles ne reçoivent jamais de lumière du soleil.

- Exactement. Mais si la plupart des feuilles d’un arbre sont éloignées du sol, leur ombre se déplace progressivement dans le champ à mesure que le soleil se déplace dans le ciel. De cette façon, toutes les cultures, même celles qui se trouvent juste à côté du tronc de l’arbre, reçoivent une bonne lumière du soleil au moins une partie de la journée. Et de cette façon, elles poussent toutes mieux ».

Le peuple dogon utilise ce que nous appelons aujourd’hui « l’ombrage intermittent ». Partout dans les basses terres tropicales, les cultures produisent jusqu’à 40 % de mieux sous une ombre arborée bien gérée que si elles doivent supporter la pleine lumière du soleil tropical toute la journée. En effet, elles ne supportent pas la chaleur tropicale excessive, qui provoque l’arrêt de leur croissance pendant plusieurs heures au milieu de la journée. Et avec le réchauffement climatique, ce problème va s’aggraver dans un avenir proche.

L’ombre intermittente réduit également l’évaporation de l’humidité du sol des agriculteurs et la transpiration de leurs cultures. L’humidité cruciale n’est donc plus aspirée du sol des agriculteurs. Cela signifie qu’en cas de sécheresse, les cultures produiront beaucoup mieux à l’ombre intermittente qu’en plein soleil.

Je n’avais jamais vu un cas d’ombre intermittente avant ce jour de novembre, car pour autant que je sache après toutes mes pérégrinations, c’est le peuple dogon qui l’a inventé. Cette "tribu" peu connue du milieu de nulle part (très proche, en fait, de la proverbiale Tombouctou), a donné au monde une technologie incroyablement précieuse que nous allons bientôt commencer à répandre sous les tropiques. Elle permettra d’augmenter les rendements, mais aussi de fournir du bois de chauffage et du fourrage afin d’éviter l’abattage de véritables forêts, contribuant ainsi à défendre les agriculteurs de trois continents, ainsi que nous tous, contre le réchauffement climatique. En outre, les arbres déposent davantage de cette matière organique si nécessaire sur le sol pour l’enrichir, ce qui permet de séquestrer davantage de carbone dans le sol. Cela s’ajoute à tout le carbone qui est piégé dans les arbres eux-mêmes.

Et combien coûte tout cela ? Juste la main d’œuvre nécessaire pour élaguer les arbres dans cette drôle de forme une fois par an. L’élagage de ces arbres épargnera également aux femmes africaines l’énorme tâche de parcourir de longues distances pour grimper aux arbres afin de couper du bois de chauffage et de le ramener au village. Dans l’ensemble, ces arbres dans les champs permettront d’économiser de la main-d’œuvre et ne coûteront rien à faire pousser. Après tout, ils étaient déjà là avant la naissance de la plupart des Dogons d’aujourd’hui. Les autres agriculteurs accepteront-ils cette innovation ? Eh bien, les Dogons eux-mêmes l’ont répandue sur une zone comprenant entre 15 et 20 villages entiers, sans programme de vulgarisation en vue. »

Traduction de l’article de Roland Bunch « Dogon intermittent shade »

Sur cette photo prise pendant une année de sécheresse par l’environnementaliste et régénérateur de milieux dégradés Tony Rinaudo, on peut voir l’impact distinct sur la culture près de la base de l’arbre. Non seulement l’ombrage intermittent apporte par l’arbre n’empêche pas les culture de pousser mais la portance hydraulique des essences d’arbres qui ont été plantées favorise la croissance des plantes. Les arbres puisent l’eau en profondeur dans le profil du sol et la rendent disponible près de la surface du sol à portée des racines des végétaux voisins pendant la nuit par leurs racines peu profondes, ce qui permet de bio-irriguer efficacement les cultures.

Techniques de fumure

Le paysan dogon classe ses champs en birim mine et miné essè, selon que la terre y est fumée ou non.

En vertu d’un contrat tacite, après les récoltes, en octobre-novembre, les les pasteurs peuls installent leurs animaux sur les chaumes et élèvent éventuellement une paillote ; les Dogons fournissent le matériel de cuisine, pilon, mortier, calebasse, marmite. Le troupeau peul stationne sur le champ, d’abord toute la journée tant qu’il subsiste des chaumes, puis la nuit avec parcours diurne de la brousse. Le Dogon, s’il possède des bovins, les confie au Peul qui vient en échange passer plusieurs semaines sur le birim minè.

Troupeau de zébus peuls dans un champ de mil après sa récolte

Selon un paysan dogon de Kassa, rapporte Jean Gallais, pour que son champ birim miné d’un hectare et demi soit correctement fumé, il faut qu’un troupeau de trente têtes y passe les nuits pendant un mois. Mais ce fumier déposé de novembre à janvier étant soumis, pendant les mois d’ardente chaleur qui suivent, à une dessiccation qui le rend pailleux et réduit à très peu de chose l’apport de matière organique. C’est pourquoi il est complété par une pratique plus originale et plus efficace : la préparation d’amendements en fumière.

Préparation d’amendements en fumière

Pour créer une fumière, explique Jean Galais, les Dogons utilisent la cour intérieure de l’habitat dogon, dite pandaga sur laquelle s’ouvrent les cases individuelles. Cette cour est légèrement excavée par rapport aux seuils des cases. Y sont disposés les chaumeAdaptation aux changements climatiques en Afrique sub-saharienne : impact du zaï de mil précieusement coupés dans les champs après la récolte, les brisures du pilage culinaire, les cendres du foyer. Chaque famille y ajoute les écorces ou les fruits de baobab et tous les détritus possibles.

Séchage du mil hors de portée des chèvres

Vers décembre la fosse est remplie et on marche sur un paillis élastique et doré. Au fur et à mesure que la saison sèche avance, la cour devient fumière, les eaux sales y sont jetées. La stabulation nocturne de tout le petit bétail, celle continue du cheval et du mouton à l’engrais, permettent l’arrosage et l’enrichissement du fumier.

Celui-ci est extrait en mai et donne lieu à un transport collectif, birim tiagoué, par la société de jeunes gens. En longues files et accompagnés de tambour, jeunes gens et jeunes filles, le panier carré sur la tête, descendent le fumier vers les champs.

« Birim tiagoué », transport collectif du fumier par les femmes d’un quartier jusqu’au champ de l’une d’entre elles.

Diversité des semences

Les Dogons utilisent une variété de semences elles même adaptées à une diversité de conditions de culture. C’est ainsi par exemple qu’à Kassa le paysan dispose de cinq variétés de gros mil :

- « émè ban », le gros mil rouge utilisé pour préparer la bière de mil dolo adapté aux terres les plus argileuses ;

- « émè grou », gros mil blanc résistant à la sécheresse ;

- « émè gadou », gros mil blanc à forte récolte en année pluvieuse ;

- « émè sanaguimè » et « émè péligima », qui sont des variétés hâtives.

Pour conserver les épis, les graines et les semis de mil dans les greniers les Dogons ont recours à de la cendre de tiges de mil.

Greniers à mil

Conclusion

Les Dogons ont su perdurer pendant des siècles dans un milieu peu favorable à l’agriculture en développant des modes de culture, de création et de gestion des sols, recueil des précipitations ingénieux, puis en les faisant évoluer au fur et à mesure qu’ils ont pu exploiter des espaces nouveaux hors du plateau qui leur servait de refuge. Aujourd’hui une partie de la population dogon investi la plaine sablonneuse du Séno. De nouveaux défis agricoles lui sont posés dans un contexte de croissance démographique et de changements climatique.

Village dogon du Séno

Note :

Les dessins illustrants cet article sont issus de l’article de Armand Kassogué avec Jean Dolo et Tom Ponioen, « Les techniques traditionnelles de conservation des eaux et des sols sur le plateau Dogon, Mali », IIED, Paper n° 23, Décembre 1990

Bibliographie

Publications en Français

- Drissa Dialo, « Création de champs cultivés et gestion de l’eau et de la fertilité des sols sur le plateau Dogon (Mali) », in Restauration de la productivité des sols tropicaux et méditerranéens Contribution à l’agroécologie

- Mamadou Diawara, « "Dieu d’eau", eau du barrage. Les populations du Plateau Dogon face aux contraintes : pluviométrie, terre et démographie », Journal of the International African Institute, Vol. 67, No. 4 (1997), pp. 602-624Pub

- Laurence Douny, « Conserving Millet with Potash : Towards a Dogon Epistemology of Materials », in Techniques & culture, 2018, Supplément au n° 69

- Jean Gallais, « Le paysan dogon (République du Mali) », in : Cahiers d’outre-mer. N° 70 - 18e année, Avril-juin 1965. pp. 123-143

Jean-Christophe Huet, Villages perchés des Dogon du Mali. Habitat, espace et société. Paris, L’Harmattan. 1994.

- Armand Kassogué avec Jean Dolo et Tom Ponioen, « Les techniques traditionnelles de conservation des eaux et des sols sur le plateau Dogon, Mali », IIED, Paper n° 23, Décembre 1990

Eric Roose, « Introduction à la gestion conservatoire de l’eau, de la biomasse et de la fertilité des sols (GCES) », Bulletin pédologique de la FAO 70

- Bertrand Sajaloli, « Génies de l’eau et protection des zones humides en pays dogon (Mali) » page web pour Géoconfluences, octobre 2016

- Aude Nuscia Taïbi, Aziz Ballouche, Benjamin Dolfo, Adrien Plassais, Mustapha El Hamdani, « Les parcs agroforestiers du Pays dogon, des paysages entre héritage et mutation rapide », Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques.

- Aude Nuscia Taïbi, Benjamin Dolfo, « La dynamique des parcs agroforestiers en région soudano-sahélienne comme stratégie d’adaptation des systèmes socio-écologiques », Biocénoses, Bulletin d’écologie terrestre, Numéro spécial. Séminaire International, Biodiversité et changements globaux, Djelfa 13-25 novembre 1015

- Bénédicte Thibaud, « Le pays dogon au Mali : de l’enclavement à l’ouverture ? », Espace, Populations, Sociétés, 2005-1 pp. 45-56

Publications en Anglais

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- Laurence Douny, « Conserving Millet with Potash : Towards a Dogon Epistemology of Materials », in Techniques & culture, 2018, Supplément au n° 69

FAO, Tradition soil and water conservation on the Dogon Plateau, web page

Armand Kassogué avec Jean Dolo et Tom Ponioen, « Traditional Soil and Water Conservation on the Dogon Plateau », Mali, IIED, Paper n° 23, Décembre 1990

- Karin Nijenhuis Farmers on the move Mobility, access to land and conflict in Central and South Mali Thesis submitted in fulfilment of the requirements for the degree of doctor at Wageningen University, 25 November 2013

- Thomas Wikle, « Living and Spirtual Worlds of Mali’s Dogon People », Web page

Mis en ligne par La vie re-belle
 9/04/2022
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