L’agiculture régénérative selon John Kempf 3.

Pyramide de la santé des plantes

John Kempf a schématisé dans une pyramide les étapes qui permettent aux plantes de développer leur immunité et de devenir résistantes aux différents types de ravageurs et agents pathogènes.

Stade 1 et 2

⇒ La maximisation de la photosynthèse aboutit à la production par voie métabolique de glucides complexes dans la sève

⇒ La conversion des différentes formes d’azote (ammonium, nitrates, urée, en acide aminés, puis en protéines complètes.

⇒ La plantes ne contient plus de substances simples - acides aminés et hydrates de carbone libres (fructose, sucrose, glucose) - dont ont besoin pour se développer les champignons pathogènes (Phytophthora, Pythium, Rhizoctones...) et les larves et insectes suceurs au système digestif simple comme les pucerons.

Stade 2 et 3

⇒ La maximisation de la photosynthèse crée un surplus d’énergie. Ce surplus permet de synthétiser des lipides qui renforce la surface des feuilles qui devient cireuse ce qui la rend plus résistante aux pathogènes

⇒ Une fois produits, ces lipides peuvent eux-mêmes servir à la synthèse de métabolites secondaires (tanins, polyphénols, terpènes, huiles essentielles…) qui sont bactéricides, fongicides, virucides, accroît la production d’exsudats qui vont nourrir les microorganismes de la rhizosphère et permettre le développement d’un microbiome riche et diversifié qui va permettre en retour de renforcer la production de lipides et de métabolites secondaires.

⇒ Les parties foliaires seront plus en capacité de résister aux ravageurs aériens et seront moins appétentes pour ces derniers. La production accrue de métabolites secondaires va renforcer l’immunité des plantes et leurs capacités à résister aux insectes supérieurs plus sophistiqués, et à des stress abiotiques.

Les 4 niveaux de la pyramide de santé du végétal

.
Une nutrition optimale améliore le fonctionnement de la plante

Au fur et à mesure que les sols et les cultures s’adaptent aux pratiques agrobiologiques, ils passent successivement par des niveaux de d’énergie, de santé et de productivité de plus en plus élevés. La progression vers un meilleur fonctionnement remet en place les capacités naturelles et biologiques du système symbiotique plante-sol.

Au cours de ce processus, le système immunitaire des plantes s’améliore et les plantes résistent mieux aux pathogènes du sol et de l’air, et aux insectes.

Cette évolution s’accompagne d’une plus grande production de lipides et d’un renforcement des membranes cellulaires.

Aux deux premiers niveaux de la pyramide, les changements concernent surtout le niveau énergétique et la biochimie végétale.

Les niveaux 1 et 2 reposent essentiellement sur l’équilibre nutritionnel de la plante. Il est possible de les atteindre en utilisant notamment des applications foliaires de compléments nutritifs.‍

Les changements qui surviennent au troisième et au quatrième niveau sont avant tout d’ordre biologique.

Les niveaux 3 et 4 reposent sur la vie du sol qui doit être en en bonne santé pour être capable de fournir à la plante les éléments nutritifs dont elle a besoin.

La disponibilité des nutriments dépend de la diversité des microorganismes du sol.

Sans le processus digestif microbien, les plantes n’auront jamais le surplus d’énergie nécessaire pour atteindre des niveaux élevés de production de lipides et stocker de l’énergie.

Avec les méthodes agricoles conventionnelles, la plante n’effectue souvent que 20 % de son potentiel photosynthétique. La première clé de l’agriculture régénérative est de porter la photosynthèse à au moins 60 %

Cinq facteurs essentiels peuvent limiter la photosynthèse :

1. le dioxyde de carbone ;
2. l’eau ;
3. la lumière et la température ;
4. le manganèse et le fer ;
5. d’autres éléments N, P, Mg, Zn)

• Dioxyde de carbone ou CO2

La plante tire du sol une part du dioxyde de carbone (CO2) nécessaire à la photosynthèse. Augmenter l’activité biologique du sol permet d’élever la respiration microbienne et donc la part de CO2 disponible pour les plantes.

La structure du sol est le premier élément à prendre en compte : dans un sol non structuré et tassé, les gaz ne peuvent pas circuler et la plante ne peut pas récupérer le CO2 dont elle a besoin.

La structuration du sol est le fruit de l’activité des macro et microorganismes du sol.
Pour créer un sol vivant, il faut réduire le travail mécanique du sol au minimum, couvrir le sol et maximiser la présence de racines et la restitution de matière organiques notamment carbonée. Des amendements et des engrais fermentés peuvent activer et orienter la flore microbienne qui métabolise les nutriments du sol pour les rendre disponibles pour les plantes.

• L’eau

Le cultivateur peut agir sur la capacité du sol à infiltrer et stocker l’eau et à capter l’humidité de l’air et augmenter la « réserve utile du sol ». Un sol retiendra plus d’eau s’il contient une forte teneur de matière organique, s’il est riche en biodiversité microbienne, s’il est couvert par de la paille ou par des plantes. Sur petite surface, des systèmes d’irrigation par mèches et par artefacts poreux et par nappes souterraines artificielles peuvent permettre de réguler et assurer une réserve utile permanente avec peu d’eau. Il faut savoir en outre, que la nutrition de la plante a également une influence sur l’eau : une nutrition azotée inadéquate augmente les besoins en eau des plantes car la transformation de l’azote sous forme nitrate par la plante lui demande de l’énergie et de l’eau, en moyenne quatre molécules d’eau sont mobilisée pour chaque molécule de nitrate.

L’eau est rendue disponible pour les plantes grâce aux microorganismes qui, en formant et maintenant les agrégats du sol, permettent à l’eau de s’infiltrer et d’être stockée. Ce sont également les micro-organismes du sol qui organisent le recyclage de la grande majorité des nutriments afin de les rendre assimilables pour les plantes. Si l’on demande aux agriculteurs ce qu’ils attendent de leurs sols ils répondront généralement : c’est de pouvoir produire des cultures rentables en leur fournissant suffisamment d’eau et de nutriments. Ce que beaucoup ne réalisent pas, c’est que ces deux fonctions basiques d’un sol en bon état, c’est-à-dire l’approvisionnement en eau et en nutriments, sont intimement liées et déterminées par des processus biologiques. Si les microorganismes du sol se portent bien, le système fonctionne de manière optimale. Or, plus un système est efficace, plus il sera rentable !

• Le soleil et la température

Lorsque la température des feuilles est trop élevée, la photorespiration devient supérieure à la photosynthèse et les niveaux d’énergie des plantes commencent à chuter. De l’ammonium est produit dans les tissus foliaires à la suite de la dégradation des protéines. Il en résulte des toxicités qui diminuent rapidement l’immunité des plantes.

Il n’y a pas de corrélation directe entre la température des feuilles et la température de l’air. Une plante saine produit des lipides qui protègent la feuille des rayons du soleil. Les plantes saines qui poussent sur des sols vivants, du mulch, des couverts permanents et ne sont pas carencées restent plus fraîches plus longtemps à des températures élevées, grâce à des mécanismes variés.

• Minéraux et photosynthèse

Les plantes nécessitent des taux suffisants de magnésium, fer, manganèse, azote et phosphore pour maximiser la photosynthèse.

- Le fer est essentiel pour aider à capter la lumière et le manganèse est essentiel à l’hydrolyse de l’eau.
- L’azote et le magnésium sont contenus dans les molécules de chlorophylle. Le zinc augmente la largeur des feuilles.
- Le phosphore stocke l’énergie produite par la photosynthèse.

• Le taux de chlorophylle

Il est possible d’augmenter la concentration des feuilles en chlorophylle, en s’assurant de ne pas carencer les plantes en magnésium, fer et azote.

L’azote est rarement limitant car il est l’un des éléments les plus utilisés pour masquer d’autres déséquilibres. Il est de plus fréquemment sur-appliqué.

Le magnésium est facile à corriger avec des pulvérisations foliaires, il est lui aussi rarement limitant.

Contrairement à ce que rapportent la plupart des analyses foliaires ou de sol, les plantes sont quasi toutes carencée en fer. En effet la forme de fer mesurée (oxydée) dans ces tests n’est pas physiologiquement active chez les plantes (seule la forme réduite, Fe2+ est biodisponible).

N’importe lequel de ces trois nutriments peut être utilisé pour donner rapidement aux plantes une couleur vert foncé signe de forte concentration en chlorophylle. L’azote étant généralement abondant, le magnésium et le fer produisent généralement la plus grande réponse des cultures en termes de rendement. Une analyse de la sève des feuilles peut permettre d’identifier précisément la carence.

Transformer les nitrates et l’ammonium

Une plante en bonne santé transforme tous les nitrates et l’ammonium en acide aminés, puis en protéines à la fin de chaque journée.

Avoir un taux de nitrate et d’ammonium dans la sève proche de 0 est très important pour l’immunité de la plante contre des insectes piqueurs-suceurs et les larves (insectes au système digestif simple) qui dépendent pour leur alimentation des acides aminés libres et des nitrates dans la sève. L’ammonium est également un amplificateur des infra rouges, que les insectes peuvent détecter plus facilement.

Les taux de nitrates et d’ammonium peuvent se vérifier grâce aux analyses de sève.

Toutes les formes d’azote ne sont pas égales. Une unité d’azote produira une réponse de la plante complètement différente selon sa forme

- L’idéal est de viser une nutrition azotée des plantes grâce à des acides aminés et des protéines, provenant directement des populations microbiennes du sol et sous forme de métabolites microbiens. Ces formes d’azote, à l’inverse des formes minérales classiques, apportent en plus de l’énergie aux plantes sous forme carbonée.

- La deuxième forme la plus efficace d’azote pour la plupart des cultures est l’urée ou l’azote aminé.

- La troisième forme la plus efficace pour les cultures est l’ammonium.

- La forme la moins efficace d’azote pour les cultures à absorber est le nitrate. En effet, les plantes doivent utiliser une quantité importante de leur énergie photosynthétique pour convertir le nitrate en ammonium, puis en acides aminés et en protéines.

Lorsqu’une culture de maïs absorbe 80% de ses besoins en azote, elle alloue 16% de son énergie photosynthétique totale uniquement pour la conversion des nitrates.

Une plante a également besoin de trois fois plus d’eau pour convertir les nitrates en acides aminés par rapport à l’ammonium.

En fin de compte, l’objectif est de développer des populations microbiennes du sol pouvant fournir 100% des besoins en azote des cultures chaque année. Il s’agit d’un objectif réaliste et réalisable.

Comment la plante transforme l’azote en protéines ?

Pour que la plante puisse transformer tous les nitrates et l’ammonium en protéines complètes, elle a besoin principalement de six éléments minéraux clés.

• Le magnésium est un cofacteur pour des centaines d’enzymes qui sont nécessaires pour la production des protéines.

• Le molybdène est un cofacteur pour la réduction de nitrate dans la sève (nitrate réductase)

• Le soufre est nécessaire pour former certains acides aminés (méthionine et cystéine notamment).

• Le fer est nécessaire pour donner de l’énergie réductrice via la photosynthèse.

• Le Potassium est important pour le processus de transformation des acides aminés en protéines.

• Le zinc est un composant structurel des ribosomes (usines de fabrication des protéines).

• le bore n’est pas directement impliqué dans la synthèse des protéines mais apporte une résistance supplémentaire aux insectes pathogènes.

Impact d’une photosynthèse maximale

La photosynthèse produit des sucres simples qui sont libres dans la sève de la plante.
Sur base d’un cycle de 24h, les sucres produits doivent être rapidement transformés en hydrates de carbone, sucres plus complexes. Si cette transformation est déficiente, les sucres simples s’accumulent dans la sève et ils permettent le développement des pathogènes du sol qui s’en nourrissent.

⇒ Un faible taux de sucres simples dans la sève permet d’éviter des infestations par les pathogènes du sol.

L’azote assimilé par la plante sert à la synthèse des acides aminés. Lorsque la plante fonctionne bien, ces acides aminés sont incorporés pour construire des protéines complexes. Les insectes au tube digestif simple (pucerons, mouche blanche,…) se nourrissent de ces acides aminés car ils n’ont pas la capacité de digérer des protéines complexes. Une déficience de la photosynthèse induit plus d’acides aminés libres et donc plus de nourriture pour ces insectes.

Lorsque la photosynthèse est efficace, le surplus d’énergie va être utilisé pour construire des lipides (stockage d’énergie). On observe que les plantes qui photosynthétisent bien, contiennent jusqu’à trois fois plus de lipides que des plantes avec une nutrition défaillante. Ces lipides interviennent dans la résistance plantes contre les pathogènes aériens.

Par exemple, les champignons comme le mildiou s’attaquent aux plantes en sécrétant des enzymes peptidolytiques (peptidases) qui détruisent la membrane cellulaire. Les plantes en bonne santé présentent des couches de cires lipidiques plus importantes sur leurs feuilles, ce qui empêche les champignons d’atteindre les membranes cellulaires de la plante. Les plantes développent une résistance face aux champignons pathogènes du sol (Verticilium, Fusarium, Rhizoctonia, etc.).

Lorsque la photosynthèse est complète, le profil glucidique de la sève change. La grande proportion de glucides complexes et le faible taux de sucres non-réducteurs induit une meilleure résistance face aux insectes suceurs. Quand la photosynthèse est optimale, la plante sécrète des composés spécifiquement impliqués dans son immunité, les métabolites secondaires (huiles essentielles telles que les terpènes, phénols, flavonoïdes,…). Ces composés sont fondamentaux pour l’immunité contre les pathogènes, les insectes, mais aussi pour se protéger des UV ou des aléas climatiques (sécheresse).

• L’augmentation du taux de photosynthèse de 150 à 600% a un impact positif sur le rendement.

Thomas M. Dykstra explique que « Plus une plante fait de la photosynthèse, plus la valeur Brix est élevée. Plus la valeur Brix est élevée, plus la plante est en bonne santé. Et lorsque vous avez une plante en bonne santé, vous n’avez pas besoin d’utiliser, par exemple, tous les pesticides employés aujourd’hui : herbicides, insecticides, fongicides, nématicides, etc.

Vous pouvez vraiment empêcher l’érosion du sol en ayant un sol sain, alors que s’il n’est pas cohésif et qu’il n’est pas lié par la glomaline ou autre chose, oui, vous pouvez perdre du sol rapidement.

Une fois que vous avez dépassé douze degrés Brix, les insectes ne causent plus de problèmes à vos plantes. Et une fois que vous dépassez quatorze, ils ne se posent même pas sur votre plante, à moins qu’ils ne veuillent simplement s’y reposer, parce qu’ils ne pourront pas la mordre. Et s’ils le font, ils ne pourront pas traverser la cuticule ou pénétrer dans le tissu du phloème ; ils ne pourront pas le digérer. Les insectes ne s’intéressent qu’aux plantes malades. Aucun insecte ne s’attaquera jamais à une plante saine. Ils se concentrent sur la plante malade parce qu’elle est digestible. Les plantes saines ne sont pas digestibles.

Les engrais azotés sont à base de sel. Il s’agit d’une opération de gavage ; la plante ne se nourrit pas vraiment elle-même. L’engrais à base de sel augmente la conductivité et force les nutriments à pénétrer dans la plante, ce qui provoque une poussée de croissance rapide. Mais pendant tout ce temps, la plante est stressée, et les insectes le savent. »

Les lipides entrent dans la composition des membranes cellulaires, ils sont donc toujours présents dans le végétal. Lorsqu’une plante atteint le niveau 3 de la pyramide lié au niveau d’activité biologique du sol), il lui est possible de stocker le surplus d’énergie sous forme de lipides :

• Les métabolites microbiens sont des acides aminés et acides organiques (ex : acide citrique), ceux-ci sont chélatés avec d’autres minéraux dans la solution du sol ;

• La plante absorbe la majorité des nutriments sous forme de métabolites microbiens ;

• Les molécules chélatées sont plus efficientes pour le métabolisme de la plante, ce qui engendre une économie d’énergie ;

• Cette énergie est stockée sous forme de lipides.

• Les cires et huiles présentes sur la surface de la feuille servent de barrière de protection pour éviter que les enzymes des pathogènes ne fonctionnent ;

• Résistance accrue aux pathogènes aériens bactériens et fongiques tels que le mildiou ou la rouille.

La synthèse des métabolismes secondaires va de paire avec la synthèse des lipides

Les métabolismes secondaires sont de plusieurs types : phénols (ex : tanins, lignines, flavonoïdes), terpènes (ex : sesquiterpènes), etc.

Ils possèdent plusieurs rôles dans la plante :

• Amélioration de la résistance de la plante via la résistance systémique induite (ISR) et la résistance systémique acquise (SAR) ;

• Développement du goût et des qualités ;

• Résistance contre les insectes ;

• Molécules messagères (communication avec la vie microbienne).

Réponses immunitaires de la plante

Activation des deux voies immunitaires qui vont améliorer la résistance des cultures aux pathogènes :
Résistance systémique induite (ISR) : réponse immunitaire activée par la vie microbienne de la rhizosphère ou par des molécules émises par d’autres plantes.

Résistance systémique acquise (SAR) : réponse immunitaire généralisée induite par une infection ou agression localisée par un agent pathogène.

La répartition des produits de la photosynthèse

La répartition des sucres produits par la photosynthèse n’est pas uniforme au cours de la vie de la plante.

Lors de la germination et élongation de la plantule, la plante consacre principalement son énergie à la croissance de ses parties aériennes.

Plus tard, de plus en plus d’énergie (sucres issus de la photosynthèse) vont être redirigés dans les exsudats racinaires.

Au stade pré-floraison, la majeure partie des ressources sont ré-injectées dans le sol via ces exsudats.

À maturité, la presque totalité de l’énergie est consacrée aux fruits.

L’application foliaire de minéraux essentiels à la nutrition de la plante permet d’améliorer l’efficacité de la photosynthèse. La plante va augmenter sa biomasse, mais aussi réinjecter des produits de la photosynthèse dans le sol.

Lorsque la photosynthèse est inefficace, la répartition va principalement être consacrée aux parties aériennes (feuilles et fruits).

Cette observation pose la question suivante : Pourquoi la plante investirait autant de produits de la photosynthèse dans le sol ?

La compréhension des interactions entre la plante et les micro-organismes du sol permet de nous éclairer.

Les processus de digestion dans le sol

Pour comprendre les processus de nutrition de la plante, il faut s’intéresser au fonctionnement de la biologie du sol.

Photosynthèse maximum
⇒ Digestion bactérienne
⇒ Minéralisation
⇒ Nutrition des métabolites bactériens
⇒ Digestion fongique
⇒ Humification

Les produits de la photosynthèse se retrouvent dans les exsudats racinaires sous la forme de sucres. Ce sont les bactéries du sol qui vont digérer ces sucres pour croître en population (digestion bactérienne). Lors de sa croissance, chaque cellule bactérienne va incorporer des minéraux du sol. Lorsque les bactéries meurent, les minéraux sont re-largués dans la rhizosphère sous la forme de chélates 1 (par exemple, un complexe entre un élément minéral et un acide aminé), c’est le processus de minéralisation.

Ces formes sont beaucoup plus facilement assimilables par la plante. La nutrition de la plante avec des éléments très assimilables permet à la plante de consacrer plus d’énergie à la synthèse de molécules complexes comme des métabolites secondaires et des lipides (voir plus haut la pyramide de la photosynthèse). On note par exemple qu’une plante qui photosynthétise bien va produire jusqu’à trois fois plus de lipides que ce qui serait nécessaire pour ses besoins propres.

Les exsudats racinaires dans le sol vont à ce stade contenir une plus grande concentration de lipides. Ce sont sur ces lipides qu’un second processus de digestion va avoir lieu, la digestion fongique. Les champignons du sol vont assimiler ces lipides dans leur membrane et les transformer en composés humiques stables = processus d’humification.

Cette double digestion des exsudats racinaires est considérée comme un des processus les plus rapides pour former de la matière organique stable dans les sols et ceci uniquement en utilisant la photosynthèse des plantes en place. On ne parle pas ici d’apport de fumier, lisier ou autre amendement organique extérieur.

Application

Lorsqu’on comprend les processus décrits ci-dessus, deux buts peuvent être recherchés par l’installation d’un couvert végétal :
Soit on utilise des couverts végétaux avec beaucoup d’azote, on favorise la minéralisation par l’action des bactéries et on obtient un effet fertilisant plus immédiat.

Soit on utilise dans ses couverts des espèces aux taux de C/N plus important et avec des concentrations en lipides plus importantes, on favorise l’action des champignons et la formation de matières humiques stables.

Les points critiques d’influence

Lorsqu’on considère l’expression du potentiel génétique de la plante, on se rend compte que certains stades de la plante représentent des points critiques.

Par ses travaux sur le maïs, John Kempf a identifié 3 stades :

• entre 9 et 12 jours, le nombre d’épis futurs est fixé.

• entre 14 et 21 jours, le nombre de rangs par épis est déterminé

• entre 42 et 49 jours, le nombre de grains par épi est établi.

Ceci signifie que chaque stress (excès ou carence en un élément nutritif, manque d’eau, manque de soleil,…), à un des ces stades, va diminuer l’expression du potentiel génétique.

L’approche à adopter ici est que les actions qu’on pose en tant qu’agriculteur n’augmentent pas le rendement de la plante, on ne fait que diminuer les pertes par rapport au potentiel génétique de la plante.

Prévenir les stress aux stades critiques est la meilleure façon d’atteindre des rendements supérieurs.

Les fenêtres d’intervention sont très étroites. (3 à 6 jours)

- la plus grande influence sur les pertes de rendement sont déterminées très tôt dans la croissance de la plante. Le stade 9-12 jours est plus crucial que le stade 42-49 car il détermine le nombre d’épis.

Les moyens d’intervention

Pour accéder à l’expression du potentiel génétique, il faut focaliser son attention sur la nutrition des plantes aux stades critiques identifiés. Pour cela, la méthode est de réaliser des analyses foliaires (analyse de sève et non de tissu entier) pour identifier les déséquilibres (excès ou carences) en minéraux. Une expression clé de la démarche de John Kempf est : « ce qu’on ne mesure pas, on ne peut pas le contrôler ».

Mis en ligne par La vie re-belle
 31/03/2024
 https://lavierebelle.org/l-agiculture-regenerative-selon-387

Les articles 30

Tout comme les animaux, les plantes ont un système immunitaire qui les protège contre les agents pathogènes. Pour que ses défenses naturelles puissent (...)
Cet article est le premier d’une série visant à présenter les réflexions et pratique de l’agriculteur-chercheur John Kempf, qui a contribué à populariser la (...)
IMG: Comprendre les cycles hydrologiques et cultiver l'eau « La différence entre désert et jardin ce n’est pas l’eau, c’est l’Homme »— proverbe africain
IMG: Expérience indienne d'autonomisation des paysans en intrants En Inde comme partout ailleurs, la « révolution verte » qui a promu la monoculture, l’utilisation de semences prétendument « améliorées » associées à des (...)
IMG: Passer d'une agriculture de guerre à une agriculture respectueuse du vivant La guerre a joué un rôle essentiel dans l’évolution de l’agriculture du XXe siècle.Les intrants, les techniques et les outils massivement promus et utilisés (...)
IMG: La sécheresse est-elle un état naturel ? Cet article est le premier d’une série de textes dans lesquels je souhaite passer en revue et relier les analyses de différentes recherches et (...)
 La Vie Re-Belle | 2018 · 2024