Espace cultivé évolutif qui mêle végétaux adventices et plantes cultivées la Milpa est un exemple inspirant d’agroforesterie permettant de pourvoir aux besoins des humains et de régénérer le milieu cultivé.
Milpa et forêt-jardin maya
Une expérience pluri-millénaire inspirante
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Bureau d’études Inter-Culturel
Inter-Culturel est un bureau d’études, un laboratoire d’idées, un incubateur de projets et un activateur de réseaux
Bureau d’études rwandais, privé et indépendant, Inter-Culturel est spécialisé dans l’accompagnement, la coordination et l’évaluation de dispositifs, de projets et de programmes d’action, l’analyse et le conseil organisationnel, ainsi que la réalisation d’enquêtes, de monographies, d’études exploratoires et d’expertises.
Inter-Culturel souhaite partager les réflexions initiées autour des plantes et des techniques agricoles au Rwanda.
Un groupe de recherche et de réflexion
Un groupe de recherche et de réflexion sur l’agriculture, les ressources naturelles et les techniques agricoles locales a été créé, avec pour vocation de recenser, capitaliser et rendre disponible les informations se rapportant aux solutions pratiques, locales et conviviales, qui peuvent être mises en œuvre en utilisant les ressources locales renouvelables et le potentiel d’intelligence collective des communautés pour créer les conditions d’une existence digne pour tous.
Une attention particulière est portée sur les dispositifs, pratiques et techniques pouvant permettre aux plus petits agriculteurs de se structurer efficacement et de produire, pour l’alimentation familiale comme pour en tirer un revenu, des ressources alimentaires en quantité suffisante et pouvant contribuer à une alimentation non carencée tout en préservant la qualité des sols et des agro-écosystèmes.
Prenant en considération que la population recourt fréquemment aux plantes médicinales traditionnelles, en automédication ou après consultation de tradipraticiens, le groupe de recherche mène également une réflexion sur ces pratiques de soin, la recherche en phytothérapie, les liens entre médecines conventionnelles et médecines traditionnelles, la reconnaissance et la structuration de la profession de tradipraticien.
⇨ d’établir la liste des ressources végétales endémiques, naturalisées, cultivées et cultivables au Rwanda et d’en identifier les usages passés, actuels et potentiels.
⇨ de recenser des pratiques et itinéraires techniques agro-écologiques adaptés au contexte rwandais permettant l’intensification de la production vivrière tout en respectant et régénérant les milieux.
⇨ de réfléchir aux moyen de mettre en place une banque de semences « paysannes » et de plants permettant la préservation de la diversité semencière rwandaise et la redistribution de ces semences aux cultivateurs.
⇨ d’organiser chaque mois à Kigali une rencontre avec des chercheurs, médecins (conventionnels et tradipraticiens), usagers, cultivateurs, membres d’institutions, représentants d’organisations de la société civile… sur le thème des plantes médicinales et de la phytothérapie. (Ces rencontres sont organisées en partenariat avec la Spa Zenora Wellness center de Kimihurura)
Milpa et forêts-jardins maya
Longtemps, le mot Milpa à seulement renvoyé mon imaginaire à la technique culturale d’association des « trois sœurs » amérindiennes : le maïs, le haricot grimpant et la courge.
Les trois sœurs : maïs, courge et haricots
Loin du berceau du maïs, au Rwanda cette association est fréquemment pratiquée.
Le lecteur trouvera sur le site lavierebelle.org le résultat de ma recherche sur la culture des trois sœurs. Cette recherche m’a amené à découvrir d’une part la diversité des pratiques agricoles amérindiennes et d’autre la singularité de l’extraordinaire « technique » maya de la Milpa.
La Milpa maya, utilise l’association haricot-maïs-courge, mais cette association n’est qu’une infime partie d’un système cultural complexe qui présente la particularité d’être intégré à un mode de gestion globale de la forêt tropicale.
Le mot « milpa », est dérivé du nahuatl mil-pa qui signifie « ce qui est semé dans les champs » (mil-li « champ » + -pa « vers »).
Dans la région mexicaine du Yucatan, la milpa est un espace cultivé évolutif qui mêle des végétaux adventices, naturellement présents dans les milieux, et des plantes vivrières, médicinales, condimentaires, textiles, etc. sélectionnées par l’humain.
Zones d’influence culturelles maya et aztèque
Contrairement aux agricultures les plus communes qui pratiquent un cycle cultural saisonnier et annuel, l’agriculture maya traditionnelle pratique un cycle d’au moins vingt ans au cours duquel s’accroît la biodiversité cultivée et utile aux humains. Ce cycle passe par trois étapes principales :
1. de la forêt à la milpa,
2. de la milpa au jardin forestier,
3. du jardin forestier à la forêt.
Dans un sens restreint « Milpa » renvoie à la première étape du cycle ou domine une combinaison de plantes saisonnières et annuelles. Cette communauté végétale va être pendant ce premier cycle, le berceau de plantes vivaces qui vont progressivement devenir dominantes.
Dans un sens étendu, la milpa est l’ensemble de l’itinéraire technique qui part de la forêt et revient à la forêt
Etapes du cycle de la Milpa
I. De la forêt à la milpa
Dans la première étape de la milpa, une portion de forêt est défrichée puis brûlée pour préparer un espace fertile ouvert propice aux semis et plantations.
Milpero procédant au semis de la parcelle qu’il a défriché
Pendant les deux ou trois premières années, les trois sœurs méso-américaines : maïs-haricots-courges sont cultivées en plein soleil.
Parcelle récemment ensemencée
Sous la basse canopée de maïs croît un écosystème dynamique d’herbes, tubercules et de plantes cultivées par les jardiniers forestiers pour améliorer le sol en nutriments et maintenir l’humidité dans le sol et aussi pour détourner les ravageurs des cultures principales.
Milpero et son fils devant sa parcelle
Étape 2 : De la milpa au jardin de la forêt
Dans la deuxième étape, la milpa évolue en jardin forestier. Les arbres fruitiers à rendement rapide, comme les bananiers, les bananiers plantains, les papayers qui ont été plantés commencent à produire après une année.
Milpa à la fin du premier cycle
Les arbres fruitiers qui ont besoin de plus de temps pour produire comme les avocatiers, les manguiers, les agrumes, les goyaviers, les corossoliers (Annona cherimola), les noix-pain (Brosimum alicastrum)… sont plantés dans le maïs, les haricots et les courges et les autres annuelles. Ils fructifieront cinq ans plus tard.
Récolte de la Milpa au stade de jardin forestier
III. Du jardin de la forêt à la forêt
Au troisième stade, les arbres fruitiers à croissance plus lentes commencent à produire. Ces arbres fruitiers fournissent une nouvelle canopée, bloquant le soleil et inhibant le sous-bois. Le maïs et les haricots ne sont plus viables à l’ombre. Au milieu de la canopée des arbres fruitiers, d’autres feuillus, tels que le cèdre et l’acajou, sont plantés. Ils atteindront leur maturité au cours des prochaines décennies.
IV Régénération de la forêt
Dans la quatrième étape du cycle milpa, le jardin verger forestier se transforme en forêt jardinée. Les feuillus s’élèvent au-dessus des arbres fruitiers et créent une haute canopée. La milpa se régénère pour ressembler à ce qu’elle était avant que le jardinier de la forêt la défriche deux ou trois décennies plus tôt. C’est maintenant une forêt aménagée avec peu ou pas de sous-bois. Le jardinier forestier laissera croître les arbres feuillus. Il pourra prélever des arbres pour un usage personnel ou les vendre ou éventuellement défricher à nouveau, et recommencer le cycle de la milpa.
Une technique ancestrale prometteuse ?
L’approche occidentale de la conservation des forêts tropicales repose souvent sur l’idée que le milieu doit être préservé de la présence et de l’activité humaine. Ainsi sont séparées les zones cultivées établies là où la forêt à été abattue et a disparu, et des forêts sauvegardées érigées en zones protégées des déprédations humaines.
Forêt maya
A rebours de l’imaginaire de la forêt-vierge, les recherches récentes montrent que les forêts tropicales sont rarement des forêts primaires, au sens où elles n’auraient jamais été modifiées par la présence humaine. Le principal indice d’intervention humaine est la présence dominante de plantes ayant de fortes valeurs d’usages, ce qui fait supposer qu’il s’agit de vestiges de forêts jardinées.
S’il est souhaitables que ces forêts soient préservées de l’appropriation et de l’exploitation mercantiles, il est aussi important de percevoir qu’elles sont aussi la plupart du temps très dépendantes d’une interaction raisonnée avec les humains qui savent en prendre soin.
Dans le cas de la forêt maya, il semble que le peuple maya et la forêt ont évolué ensemble. Cette coévolution se serait fondée sur une stratégie de gestion des ressources forestière respectueuse des processus naturels permettant la régénération cyclique de la forêt.
Les Mayas auraient ainsi développé une relation intime et mutuellement bénéfique avec la forêt tropicale entre -8.000 et - 4.000 ans. Horticulteurs nomades, ils auraient modifié le paysage pour répondre à leurs besoins de subsistance. Le système agricole que les Mayas développé à cette fin est le cycle de la milpa. Ce cycle fonctionne en orientant les cycles naturels pour maximiser la flore et de la faune indigènes utiles aux être humains dans un écosystème artificialisé mais pérenne.
Le jardinage de la forêt est ordonné selon un processus cyclique qui crée un paysage en perpétuelle évolution riche en biodiversité, dominé par les arbres mais ou peuvent aussi s’épanouir des plantes annuelles utiles aux humains. Le cycle de la milpa maya crée un champ ouvert à partir d’une forêt à canopée fermée. Une fois défriché, l’espace ainsi créé peut être provisoirement dominé par des cultures annuelles avant d’évoluer en jardin de verger géré, puis de redevenir à une forêt à canopée fermée dans un cycle continu. Contrairement à d’autres systèmes agricoles développés à la même période, les champs-forêts ne sont jamais abandonnés, même lorsqu’ils sont reboisés. On considère le cycle de la milpa maya comme un cycle de rotation d’annuelles avec des étapes de plantes vivaces et d’arbres pérennes, chacune des phases étant l’objet d’une gestion prudente.
Toute les facette de la culture maya sont profondément liée au milieu, dans une relation qui va bien au-delà de la simple subsistance. La langue Maya montre une connaissance de longue date de l’écologie forestière.
Jusque très récemment, les études sur les Mayas ne tenaient pas compte des recherches récentes qui éclairent cette relation. Dans sa synthèse sur l’effondrement des sociétés, Jared Diamond par exemple postule que les interactions des Mayas avec la forêt environnante furent e nature destructrice du fait de la déforestation associée à l’agriculture. Diamond allègue que cette déforestation a mené à l’effondrement de la société maya précolombienne. Sa conclusion est basée sur une interprétation spéculative au service de sa démonstration qui exclue les données issues de la biologie, la botanique et de l’agriculture traditionnelle de la région.
Les ethnobotanistes et les agroécologues travaillant actuellement avec les Mayas ont une vision différente des interactions de ces derniers avec leur environnement. Leurs recherches mettent à jour une gestion raisonnée des ressources forestières, de la flore et de la faune. Elles attestent des subtilités du savoir écologique maya et montrent que les pratiques traditionnelles de jardinage forestier manifestent l’existence d’un modèle de gestion à long terme garantissant la pérennité des ressources naturelles.
Les Mayas doivent être reconnus comme des gestionnaires avisés de leur l’espace écologique et non comme ses destructeurs. Ce nouveau paradigme pourrait être une essentiel pour comprendre comment préserver ce milieu et d’autres écosystèmes tropicaux aujourd’hui menacés.
Biodiversité cultivée des jardins forêts maya
Les jardins forestiers mayas font partie des systèmes cultivés les plus diversifiés au monde. Des chercheurs travaillant avec le réseau El Pilar ont recensé environ 370 espèces de plantes cultivées dans les 19 jardins-forêts qu’ils ont étudiés. Les milperos maya génèrent cette diversité grâce à leur profonde connaissance traditionnelle des fonctions et de l’usage des plantes. Ils cultivent les plantes vivrières, fourragères, médicinales, condimentaires, tinctoriales, à usages rituels, ou utilitaires, etc.
Au stade de Milpa ouverte (de la première à la quatrième voire la septième année) on recense jusqu’à 70 espèces végétales dans les parcelles de Milpa.
Outre les maïs (Zea mays), les haricots (Phaseolus spp) et les courges et potirons (Cucurbita spp.), Les plantes cultivées dominantes sont :
– les piments (Capsicum annuumet C. spp).
– le chénopode comestible ou épazote (Chenopodium ambrosioides L.),
– la chaya, arbuste pérenne à feuilles comestibles (Cnidoscolus spp),
– les tomates (Lycopersicon esculentum Mill),
– le taro ou oreille d’éléphant (Colocasia esculenta) et (Xanthosoma yucatanense Engl.)
– le gombo (Abelmoschus esculentus)
– diverses légumineuses
Les plantes adventices tolérées ou appréciées les plus fréquentes sont :
Lors de l’étape de la canopée de plantes vivaces à croissance rapide (de la septième à la quinzième année voire jusqu’à la trentième année) d’autres types de plantes prennent l’ascendant.
Parmi les plantes vivrières dominantes certaines présentes au Rwanda comme :
et d’autres sont seulement présentes en Amérique centrales comme :
– l’acacia corne de bœuf (Acacia cornigera L. Wild) qui produit des graines à la pulpe comestible et des substances médicinales ;
– le sapotillier (Manilkara zapota L. van Royen) à fruits comestibles et au bois d’œuvre de qualité ;
– la variété de cactus (Opuntia cochenillifera L. P. Mill) aux fruits et jeunes raquettes comestibles ;
– bwa donm (Guazuma ulmifolia Lam) qui est un arbre médicinal aux fruits et aux graines comestibles ;
– Tres hojas (Hamelia patens Jacq) dont les fruits sont comestibles et médicinaux,
– jicama ou pois patate (Pachyrhizus erosus L.) aux tubercules comestibles ;
– le Quatre-épices ou Piment de la Jamaïque utilisé comme condiment (Pimenta dioica L. Merr) ;
– le sapotier, à fruits comestibles (Pouteria sapota Jacq. Moore & Stearn) ;
– le chacahante (Simira salvadorensis Standl) aux fruits comestibles et producteur de bois d’œuvre ;
– le guaya aux fruits comestibles (Talisia oliviformis Radlk).
– le palmier cohune (Attalea cohune) qui est oléifère et dont la noix peut être utilisée comme ivoire végétal ;
– la « noix-pain » ou « Noyer Maya » (Brosimum alicastrum Sw.) dont le fruit extrêmement riches en fibres, calcium, potassium, acide folique, fer, zinc, protéines et vitamines A, E, C et B, a des propriétés nutritionnelles comparables à celles du soja ou de la quinoa) ;
– le prunier savane (Byrsonima crassifolia L. Kunth) apprécié pour ses fruits parfumés ;
– la chaya (Cnidoscolus chayamansa McVaugh) aux feuilles comestibles ;
– le coulequin (Cecropia peltata L.) qui est un arbre fruitier et médicinal ;
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Bureau d’études rwandais, privé et indépendant, Inter-Culturel est spécialisé dans l’accompagnement, la coordination et l’évaluation de dispositifs, de projets et de programmes d’action, l’analyse et le conseil organisationnel, ainsi que la réalisation d’enquêtes, de monographies, d’études exploratoires et d’expertises.
Inter-Culturel souhaite partager les réflexions initiées autour des plantes et des techniques agricoles au Rwanda.
Un groupe de recherche et de réflexion
Un groupe de recherche et de réflexion sur l’agriculture, les ressources naturelles et les techniques agricoles locales a été créé, avec pour vocation de recenser, capitaliser et rendre disponible les informations se rapportant aux solutions pratiques, locales et conviviales, qui peuvent être mises en œuvre en utilisant les ressources locales renouvelables et le potentiel d’intelligence collective des communautés pour créer les conditions d’une existence digne pour tous.
Une attention particulière est portée sur les dispositifs, pratiques et techniques pouvant permettre aux plus petits agriculteurs de se structurer efficacement et de produire, pour l’alimentation familiale comme pour en tirer un revenu, des ressources alimentaires en quantité suffisante et pouvant contribuer à une alimentation non carencée tout en préservant la qualité des sols et des agro-écosystèmes.
Prenant en considération que la population recourt fréquemment aux plantes médicinales traditionnelles, en automédication ou après consultation de tradipraticiens, le groupe de recherche mène également une réflexion sur ces pratiques de soin, la recherche en phytothérapie, les liens entre médecines conventionnelles et médecines traditionnelles, la reconnaissance et la structuration de la profession de tradipraticien.
⇨ d’établir la liste des ressources végétales endémiques, naturalisées, cultivées et cultivables au Rwanda et d’en identifier les usages passés, actuels et potentiels.
⇨ de recenser des pratiques et itinéraires techniques agro-écologiques adaptés au contexte rwandais permettant l’intensification de la production vivrière tout en respectant et régénérant les milieux.
⇨ de réfléchir aux moyen de mettre en place une banque de semences « paysannes » et de plants permettant la préservation de la diversité semencière rwandaise et la redistribution de ces semences aux cultivateurs.
⇨ d’organiser chaque mois à Kigali une rencontre avec des chercheurs, médecins (conventionnels et tradipraticiens), usagers, cultivateurs, membres d’institutions, représentants d’organisations de la société civile… sur le thème des plantes médicinales et de la phytothérapie. (Ces rencontres sont organisées en partenariat avec la Spa Zenora Wellness center de Kimihurura)
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